Léviathan
de Julien Green

critiqué par Béatrice, le 24 juin 2005
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Tragique
Guéret est un pauvre type et il le sait. Prisonnier de son univers borné, il rêve de s’échapper, il rêve d’un amour pur. En défiant les interdits, il se transforme en Mr. Hyde et sème la panique dans une bourgade de province. Et puis il y a Mme Londe, génie du mal qui sévit en toute impunité ; son portrait est poignant.
Mauriac et Green – même génération, même combat. Tous les deux s’intéressent à ceux « voués au mal [dont] la profondeur de leur chute donne la mesure de leur vocation » (Mauriac, 1936). Moi, finalement, je préfère Mauriac. Il a un style plus fluide tandis que chez Green il y a des longueurs.
… C’est hors contexte, mais je ne résiste pas au plaisir d’évoquer cette citation : "On a beaucoup ri d'un télégramme que Mauriac a reçu peu de jours après la mort de Gide et ainsi rédigé : "Il n'y a pas d'enfer. Tu peux te dissiper. Préviens Claudel. Signé André Gide"
(Julien Green - Journal - 1951)
L'effroyable bourgade 6 étoiles

Monsieur-tout-le-monde s'avère être une sorte de satyre, la jeune naïve une quasi-dépravée, la dame patronnesse un censeur digne de l'inquisition. Dans ce village, tout vire mal, tout se sait, le malheur rôde et fait ployer les vies sous le poids de la prude morale.
Rien ne sourit donc dans cet univers, et toute tentative d'échappatoire à l'ordinaire, déconsidérée, coûte vite très cher. Dans cet étau serré, toute velléité de liberté est rapidement transformée en bas instinct. Ce microcosme d'apparence si paisible tire vite à l'enfer, à l'analyse.

L'ambiance générale est très austère, l'atmosphère empreinte de cruauté, de rancoeur et de jalousie. Une certaine emphase, malgré certaines longueurs, arrive, peu ou prou, à tenir le lecteur en haleine, intrigué de tant de mauvais instincts croisés. Mais l'ensemble reste désagréable, bien qu'assez intéressant.

Veneziano - Paris - 47 ans - 8 août 2012