La Fête de nuit, Barde imaginé
de Xavier Grall

critiqué par Eireann 32, le 28 juin 2005
(Lorient - 77 ans)


La note:  étoiles
Fest-noz et Ankou
Un jour de 1972 ou 1973 j’ai fait 2 achats : un 33 tours, «La blanche hermine » de Servat et «La fête de nuit » de Grall. Plus de 30 ans après le disque est devenu CD, le livre maintes fois prêté mais pas toujours rendu est une édition des années 1980, j’écoute toujours l’un et relis toujours l’autre. Je suis arrivé à Paris, j’avais 7 ans et les vacances, c’était une vieille maison sur la côte, mais la vie de tous les jours c’était Montreuil et la famille dispersée dans toute la périphérie. La culture bretonne n’avait pas encore conquis ses lettres de noblesse.
La fête, l’alcool, la banlieue, le retour en Bretagne, la misère qui y règne, tous les clichés sont là. Les matins d’après boisson quand le tabac fait aussi son œuvre, nous suivons Arzel, sa gêne vis-à-vis de sa mère, les questions qu’il se pose. Mais le regard est celui d’un barde, son point de vue n’est pas parisien et les images deviennent la vie de tous les jours, l’exil, la mère veuve de guerre. Arzel rentre au pays après une dernière fête, sa santé décline, il est mourant, les idées lui manquent. La notoriété le fuit, l’écriture devient difficile. Glenmore, chanteur paysan et païen est à l’opposé d’Arzel, il commence à être connu. Kerouac est là pour s’enivrer encore une fois. Il a du succès mais il le payera au prix fort. Ce sont trois figures différentes de la Bretagne. Les femmes sont Mona, belle inconnue énigmatique : son père a-t-il réellement gagné l’Irlande à la fin de la guerre, était-il un de ces bretons fourvoyés dans les promesse nazies, est-elle depuis victime d’un chantage? Maria, la mère, c’est l’ancienne école, silencieuse, toujours en retrait, mais fière de son fils. Mais c’est surtout la Bretagne qui est omniprésente, comme dans toute l’œuvre de Grall.
Dans l’édition de 1979, trois courts textes sont rajoutés. Histoire de voyages intérieurs mais avec la Bretagne comme décor dans «Si loin de toi, Tristan » ou dans «Entendras-tu le vent chanter dans le grand chêne ?» Le dernier «Barde imaginé», plus mystique, est le plus étrange également.
L’écriture est simple et belle, mais dans ce livre (et cela risque de choquer) elle est très partisane. Mais c’était l’époque, malgré cela cette œuvre n’a pas pris une ride.
« Ils étaient l’un et l’autre frères de ces paysans intellectuels que sont les Irlandais. Mais ils communiaient à la même terre et c’était une communion âpre et éblouissante ».
Fest-Noz dans nos âmes... 10 étoiles

Ce livre est une ode, un manifeste à la « Bretonité ». Xavier Grall aimait la terre Bretonne plus que tout au monde et nous le montre au travers de ses mots. Des mots durs comme le granit, doux comme le vent du printemps qui glisse sur la peau, ferme comme le caractère des Bretons, violent comme les tempêtes qui frappent nos côtes…

Oui Xavier Grall aimait la Bretagne et était la Bretagne et dans ce livre il va aussi loin que peut aller un écrivain, trempant profondément sa plume au plus profond de son cœur dans une écriture d’une beauté douloureuse et magnifique comme rarement il m’a été donné d’ en lire dans ma vie. Ce livre est hors cadre, hors schémas, il transcende le verbe, le façonne pour en faire une œuvre d’une telle profondeur, d’une telle grandeur, d’une telle magnificence qu’il est parfois douloureux de lire ces mots, de suivre cette histoire qui parle de la vie et mène à la mort.
Oui ce livre est au dessus de tous qualificatifs et cette critique même ne peut lui rendre les honneurs qu’il mérite…

Spirit - Ploudaniel/BRETAGNE - 64 ans - 27 janvier 2011