Quelques pas dans les pas d'un ange
de David McNeil

critiqué par Kinbote, le 4 juillet 2005
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Mon père, ce héros
Si je connaissais David Mac Neil, l’auteur de Mélissa (Métisse d’Ibiza), d'Hollywood (que chanta Montand) et d’autres chansons singulières, j’ai appris avec ce livre, son sixième, qu’il était le fils de Marc Chagall. La discrétion et l’élégance du personnage se retrouvent dans ces bouquets de souvenirs glanés dans les moments passés auprès de son père. Moments hélas obscurcis par la dernière compagne du peintre, une véritable Gorgone, d’après Mc Neil qui ne la désigne que par « Elle », avec une majuscule.
Mc Neil nous apprend que son père le chargeait volontiers de faire les fonds bleus de ses toiles et que, un jour, par une visite express du musée du Louvre, il tenta de le dissuader de suivre ses pas. Mais devant des oeuvres de Poussin il ne put se retenir de parler de son peintre préféré avec ferveur. Plus tard, quand père et fils seront par la force des choses éloignés, David lui adressera une chanson en espérant que le message lui parvienne par la voie des ondes.
« Tu vis près de Saint Paul de Vence
Hollywood en Provence
Si loin de ma vie... »

Il raconte quelques anecdotes mettant en scène Chagall et d’autres peintres. Chagall bouda Matisse à cause d’un sanctuaire qu’il eut la charge de transformer en chapelle alors qu’on lui refusait la réfection d’un autre.
« On peut s’étonner, ironise Mc Neil, de l’entrain qu’ont les vieux artistes à bâtir des chapelles, mais tous les gens âgés rachètent leurs péchés en faisant quelque chose, eux le font de façon plus voyante, voilà tout. »
Quand Chagall occupait le logement en dessous de celui de Soutine, en voyant un jour du sang s’écouler à travers les lattes du plancher, il crut qu’on assassinait son confère: en fait Soutine avait aspergé de sang la carcasse de boeuf qui lui servait de modèle et qui, en se décomposant, avait pris de vilaines teintes verdâtres. Quand on lui servait du « maître », Chagall répondait « Centimètre ». Il portait souvent des chemises à carreaux. Au café, il empochait tous les sucres et, à l’aide de crayons gras qu’il avait toujours en poche, dessinait sur les nappes que sa femme, lorsqu’"Elle" l’accompagnait, ne manquait jamais d’emporter.
Picasso et lui se servaient de leurs enfants respectifs (David et Paloma) pour espionner le travail du concurrent. « Si Picasso m’aime, je l’aime aussi », répondait-il aux journalistes qui lui demandaient son avis sur le peintre espagnol. Quand on lui rapportait la célèbre sentence de Picasso : « Je ne cherche pas, je trouve », « Moi j’attends » répondait-il, « très faux-modestement », rapporte David Mc Neil.
Il dit le trouble que provoque l’odeur de térébenthine et l'usage que doivent en faire certains peintres:
« Je soupçonne les peintres de s’asperger le soir de térébenthine comme d’autres d’un after-shave, ça attire les jeunes filles que fascinent les artistes. »


Après cette lecture qui nous ramène à une époque insouciante où la peinture qui comptait se faisait dans le Sud de la France, on n’a qu’une envie : se jeter sur un album de reproductions du père en réécoutant quelques-unes des chansons du fils, empreintes d’une nostalgie et de couleurs dont on connaît maintenant l’origine.
David Mac Neil et son père 6 étoiles

D'abord paru en 2003, ce récit désormais accompagné de dessins, photos et croquis de Marc Chagall présente une nouvelle manière de connaître l’intimité de l'artiste. Il plante le décor familial entre un père et son fils dans arrière-pays niçois des années 50.

Ce texte de David McNeil est plein d'humour là où par exemple Paul VI fait le pied de grue - Chagall, parti nager a oublié sa visite. Se découvrent aussi le mariage de David avec Géraldine Chaplin ou la trouvaille par la veuve de Léger d'une toile de son pari oubliée dans un grenier où elle finissait de sécher.

L'existence du jeune David ne fut pas toujours facile - eu égard entre autres à la séparation de ses parents et l’arrivée de sa belle-mère qui manipulera le contrat de mariage et n’aura de cesse de compter capitaliser l'oeuvre du peintre ç son profit.

Se découvre aussi un Chagall s’offrant des instants particuliers avec son enfant, aussi bien dans son atelier qu’en virée avec Aimé Maeght. Le fils facétieux est là s’amusant à singer Picasso tandis que son père redouble de créativité dans une course toute puérile avec son "concurrent ibérique..

De telles pages du temps passé à l'ombre de Chagall sont délicieuses.

Jean-Paul Gavard-Perret

JPGP - - 77 ans - 19 décembre 2022


Souvenirs d'enfance 9 étoiles

" C'était plein à craquer, des maçons, des peintres en salopette prenaient le pousse-café au comptoir où nous attendions que se libère une table. Le menu était affiché à la craie sur un des miroirs , ce jour là c'était une blanquette de veau. Papa portait une veste en velours et un béret serré comme celui d'Auguste avec bien évidemment une chemise à carreaux. On ne dépareillait pas du tout dans le restaurant où, très vite , on avait trouvé à s'assoir. Les deux ouvriers à la table à côté ont regardé les mains de Papa, tachées de couleurs diverses, ces mains dont il disait souvent qu'elles étaient imprégnées jusqu'à l'os. Il avait alors plus de soixante-dix ans, mais avec son allure énergique et l'impression de puissance qui émanait de lui, il pouvait très bien passer pour un peintre en bâtiment.
- Vous avez un chantier dans le coin? demanda l'un deux.
- Je refais un plafond à l'Opéra, répondit mon père attaquant son oeuf dur mayonnaise."...


J'avais quitté Chagall à Vitebsk dans le joli roman de Dara Horn, Le monde à venir.

Je l'ai retrouvé avec plaisir dans ces souvenirs d'enfance de David Mc Neil, qui porte le nom du deuxième mari de sa mère.
De courtes histoires très fines , poétiques, pleines d'humour et de tendresse qui parlent d'un père qu'il n'a connu que peu de temps, pas assez, car Valentina Bradskys, la dernière femme de Chagall ,Elle dans le livre, le menait à la baguette et l'éloignait de toute sa famille antérieure.
Et puis tous les autres peintres installés à la même époque au sud de la France, leurs rapports, leurs points de discorde, et toute une époque qui fait rêver..
Ces récits m'ont enchantée, vraiment!

Paofaia - Moorea - - ans - 19 décembre 2013


ODE AU PÈRE 9 étoiles

Un petit livre difficile à définir, bien que passionnant, pas vraiment un journal, ni un livre de mémoires, en fait une personne décrivant des instantanés de sa vie, des moments, des minutes, des secondes, des impressions, et les commentant...

Où tout simplement un homme qui se rappelle avoir été un enfant, et enfant avoir beaucoup aimé son père, qui avait comme particularité de s'appeler Marc CHAGALL.

Une ode au père magnifique avec tout ce qui va avec : amour filial, gentillesse, tendresse, indulgence...

Le tout écrit dans une langue "sculptée", avec des phrases fines, douces, ciselées, et des mots qui coulent d'eux mêmes, et si beaux à lire... Jamais un mot plus "fort" qu'un autre, plus "dur" qu'un autre, jamais un mot qui en "heurte" un autre, même quand l'auteur parle de sa belle-mère, qui a pourtant tout fait pour l'éloigner de son père...

Et puis on "vit" la Provence de ces années là... avec son style de vie beau, tranquille, lent, insouciant... et on croise au détour d'une page, PICASSO, SOUTINE, LÉGER, MATISSE...

Bref, un livre que je ne saurai que conseiller... et pas seulement aux amateurs de CHAGALL, où de la peinture, mais aussi et surtout aux amateurs de livres très bien écrits...

P.S. : A ma belle soeur Maria C.-G. qui se reconnaîtra sans doute, et qui m'a fait découvrir de magnifique livre en me l'offrant, qu'elle en soit ici remerciée...

Septularisen - - - ans - 24 juin 2006


La douceur de l'enfance 9 étoiles

Ce recueil est un ensemble de courts récits rédigés par David Mc Neil, le fils de Marc Chagall. Un garçon qui raconte son père, ses souvenirs, la maison de l'enfance, la belle-mère détestée (cette "Elle" semble si méprisante à travers les lignes de Mc Neil), l'apprentissage de la peinture, les copines du village, la fréquentation d'autres figures célèbres comme Soutine, Léger, Matisse ou Picasso...
Une série de courtes histoires qui constituent chacune un moment important pour l'enfant. On devine aisément que celui-ci ressent un énorme manque d'amour, il aimerait tant avoir son père pour lui bien plus fort et plus souvent, mais il semblerait que Valentina Bradskys, la dernière femme de Chagall, fasse beaucoup pour nuire à cette communication. Cela n'empêche cependant pas le père et l'enfant de passer de merveilleux moments ensemble. Des moments dont certains nous sont ici offerts avec beaucoup de tendresse et de douceur. Enormément de poésie aussi. En lisant certaines phrases, j'avais l'impression de réciter un poème, tant le ton était chantant et lyrique. David Mc Neil écrit bien, surtout lorsqu'il parle des siens et de son père en particulier.
A plusieurs reprises, je n'ai pu m'empêcher de me plonger dans les recueils de reproductions de Chagall présents dans ma bibliothèque. Cela a apporté une présence, je sentais le peintre bien plus humain et palpable en agissant de la sorte, en mêlant la voix de son fils à celle de ses pinceaux. Chagall fait partie des artistes dont l'oeuvre m'est très chère; la lecture des mots de son fils me le rendent encore plus important. Sans doute les moments les moins gais ne sont pas reproduits dans ce volume, c'est le choix de l'auteur qui voulait parler de l'amour paternel et du regard qu'un petit garçon fils de "Maître" peut porter sur un papa qu'il sait être célèbre et vénéré mais voit avant tout comme un papa. C'est à dire un magnifique regard.

Sahkti - Genève - 50 ans - 9 juillet 2005