Du Thomas Bernhard dans toute sa splendeur. Noir, touffu, répétitif, autistique, … Le texte, comme à l’accoutumé chez T. Bernhard est sans aération aucune ; ni retours à la ligne, ni paragraphes, si sauts de page … Vous embrayez page 11 et arrivez au but page 119 sans avoir vu le moindre blanc dans les pages. Mais dans ces « Mange-pas-cher », il y a pire, me semble-t-il. Il n’y a … rien. Rien qui puisse porter l’attention, soutenir l’intérêt du lecteur. Je me suis surpris à plusieurs reprises à regarder le numéro de page, en soupirant inéluctablement parce que ces numéros ne défilaient pas assez vite ! Rétrospectivement, j’ai une pensée émue. Une pensée émue pour Claude Porcell. Claude Porcell, c’est le traducteur de cet ouvrage. J’en soupire pour lui. Imaginez ça, c’est la première phrase de l’ouvrage :
Sur le chemin qu’il empruntait depuis des semaines vers le soir, et, depuis trois jours régulièrement, vers six heures du matin aussi, aux fins d’études, jusqu’au Wertheimsteinpark où, eu égard aux conditions naturelles idéales qui régnaient précisément au Wertheimsteinpark, il avait, disait-il, pu revenir, après une longue période, d’une pensée parfaitement sans valeur concernant sa Physiognomonie à une pensée utilisable et même en fin de compte incomparablement utile, et donc à la reprise de son écrit, que, dans un état d’incapacité à toute concentration, il avait laissé en plan depuis le temps le plus long déjà, et dont l’aboutissement, disait-il, conditionnait finalement un autre écrit dont l’aboutissement conditionnait de fait un autre écrit dont l’aboutissement conditionnait un quatrième écrit sur la physiognomonie reposant sur ces trois écrits qu’il fallait absolument écrire, et qui conditionnait son travail scientifique futur et subséquemment son existence future tout court, il était allé tout à coup et le plus soudainement du monde, dit-il, non pas comme il en avait déjà l’habitude vers le vieux frêne, mais vers le vieux chêne, et de ce fait en était venu à ceux qu’il appelait les Mange-pas-cher, avec lesquels pendant de nombreuses années, les jours de semaine, et donc du lundi au vendredi, à la Cantine Publique Viennoise, et donc à ce qu’on appelle la CPV, et plus précisément à la CPV de la Döblinger Hauptstrasse, il avait mangé pour pas cher. »
Imaginez maintenant que le reste est du même acabit : morose, répétitif, maladif. Et bien vous y êtes !
Thomas Bernhard a réellement commis des choses plus intéressantes, comme « Le naufragé », que je critiquerai par ailleurs, mais là … ? Le clavier m’en tombe et je renonce même à décrire ce qui, de toutes façons, ne constitue même pas une trame !
Tistou - - 68 ans - 1 décembre 2010 |