Rien n'est sacré, tout peut se dire : Réflexions sur la liberté d'expression
de Raoul Vaneigem

critiqué par Monito, le 11 juillet 2005
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Toutes les vérités sont bonnes à dire
Intéressante réflexion du philosophe Raoul VANEIGEm dans ce petit ouvrage facile à lire et écrit dans une belle langue classique.
Poser la liberté d’expression, le droit de tout dire, comme incarnation de la générosité à laquelle aspire l’humanité, face à la prédation et l’enfermement que constitue la recherche absolue du profit, donne à la pensée de VANEIGEM un tour très politique qui n’est pas pour me déplaire.
Certains passages dont je partage le fond et l’objectif me paraissent néanmoins difficiles à mettre en œuvre. L’auteur tente de faire renaître la confiance en l’homme mais n’y parvient pas totalement, ou alors idéalement seulement.
S’il invite à tout dire, il n’invite pas à tout partager, mais les propos de haine, des propos révisionnistes ou de toute nature afférente sont autorisés par VANEIGEM. Il pose que l’Homme est en capacité d’être éclairé par ces propos mêmes, dans sa recherche naturelle du bonheur. Il annonce en outre que bien souvent les plus ardents défenseurs de la parole acceptable, les censeurs des propos ignobles, peuvent aussi avoir intérêt à cette mise en scène d’indignation, le bien ayant besoin du mal pour faire « prospérer » un commerce que l’auteur n’a de cesse de dénoncer sous toutes ses formes.
Ce livre n’est pas une leçon de tolérance, mais un appel à l’éveil du sens critique et à la relativité maximale.
Il peut être utile, donne à voir sous un nouvel angle, mais VANEIGEM ne me le reprocherait pas, quel est l’intérêt de l’auteur de ces propos ?
Quand l'imagination prend le pas sur le réel... 8 étoiles

J’ai mis une bonne note à ce livre car le sujet me tient à cœur et le discours de Monsieur Vaneigem est intéressant malgré son manque de réalisme flagrant. Il est plein de bonnes intentions ce monsieur mais comme utopiste, on ne fait pas mieux.

Je suis d’accord avec beaucoup d’affirmations de l’auteur et j’ai beaucoup aimé certains chapitres en particulier celui qui traite de la liberté de presse et de la religion. Son idée d’abolir le délit d’opinion est également très intéressante. D’après lui, les pensées haineuses périssent de leur propre venin. Il faut les laisser s’exprimer et elles se condamneront d’elles-mêmes. Donc, tout peut se dire et c’est aux gens à faire le tri et à ne garder que ce qui les aide à mieux vivre. Là, c’est excellent comme concept. Il rappelle que de tolérer toutes les idées n’est pas les cautionner et que tout dire n’est pas tout accepter. Ça c’est vrai !

M. Vaneigem s’en prend également aux vérités imposées par la force. « Une vérité imposée s’interdit humainement d’être vraie. Toute idée reçue pour éternelle et incorruptible exhale l’odeur fétide de Dieu et de la tyrannie. » Percutant comme déclaration ! De plus, interdire les ouvrages révisionnistes est une erreur et c’est tenir les lecteurs pour des demeurés que de leur dénier la faculté de juger par eux-mêmes… Tiens donc ! Là, nous sommes d’accord M. Vaneigem !

J’ai des réserves cependant lorsqu’il déclare que la liberté d’expression implique pour chacun le droit de s’ingérer partout où les privilèges du vivant sont battus en brèche ou menacés. Donc, il prône l’interventionnisme. Aucune frontière n’est sacrée et un pays peut intervenir dans un autre pays si les mœurs ne correspondent pas à la notion de justice et de droits humanitaires du pays qui intervient. Cela part d’une bonne intention mais dans la réalité, cela conduit souvent à des affrontements interminables et sanglants donc, c’est discutable.

L’auteur prône la transparence et souhaiterait que tous les secrets soient abolis entre autres les secrets d’état, les secrets de fabrication, les secrets des communautés religieuses et des sectes, les secrets des laboratoires, les secrets de défense nationale et ainsi de suite. Là, on commence à entrer dans le doux domaine de l’utopie. Monsieur Vaneigem voudrait « démanteler le mode de corruption inhérent à tout organisme que gouverne un impératif de rentabilité. » Vaste programme !

Bon, l’auteur continue avec l’appel au meurtre, la calomnie, l’insulte et la pornographie. Suit le chapitre sur la liberté d’expression et la protection de l’enfance. Il y est surtout question de la publicité et de l’enfant face à elle. Intéressant mais rien de bien nouveau n’y est amené. Pour terminer, il nous déclare que la société n’a pas besoin de policiers et de dénonciateurs mais plutôt de créateurs qui mettraient en place des conditions nouvelles qui rendraient inutiles la répression et les dénonciations de toutes sortes. L’Éden, rien de moins.

Le livre est intéressant mais il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions et de rêver. Il faut rester dans le réel si on veut aboutir à quelque chose de concret. Car, ici, ce ne sont que de doux rêves qui n’ont rien à voir avec la réalité. C’est affirmer qu’au Paradis, l’humain s’épanouira, libéré des entraves de l’argent, de la productivité, du commerce et des abus de toutes sortes. Mais où est-il donc votre paradis M. Vaneigem ? Dans votre imagination et nulle part ailleurs !

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 19 août 2009