Tintin (Les aventures de), tome 22 : Vol 714 pour Sydney
de Hergé

critiqué par Shelton, le 14 juillet 2005
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Attention, attention à l'embarquement...
Ah ! Il en aura fallu de la patience aux lecteurs du journal Tintin pour découvrir une nouvelle histoire de Tintin et Milou. Quatre ans d’attente courageuse ! Certes, ils avaient confiance mais ils ne sentaient pas de la part d’Hergé le même enthousiasme qu’auparavant… Après Les bijoux de la Castafiore tous les tintinologues, eux, se demandaient comment Hergé allait pouvoir faire un nouvel album des aventures de Tintin. Comment inventer une nouvelle forme d’histoire ? Comment dépasser le génie créatif des Bijoux ? Comment se parodier encore plus qu’en proposant une aventure à l’intérieur du château de Moulinsart ? Le défi était placé très haut, mais nous allons voir comment Hergé le releva et, surtout, comment Bob de Moor l’aida à concrétiser tout cela…
Dès le départ, on croit plutôt à une histoire banale. Tintin, Haddock et Tournesol sont en voyage. Les voilà arrivant sur l’île de Java, en transit pour Sydney. Ils sont donc déjà à l’autre bout du monde, Haddock a soif et Tournesol n’entend rien, tout est donc complètement normal…
Mais dès le début de l’épisode, on se rend compte qu’Hergé et les personnes qui travaillent avec lui au sein des studios Hergé maîtrisent de mieux en mieux leur art. Si la bédé est un art narratif, alors Vol 714 pour Sydney devrait être donné en exemple systématiquement, surtout la première partie de l’album. En effet, tout y est : suspens bien réparti et organisé, surtout dans les bas de page de droite ; vignettes débordantes de mouvement, spécialité d’Hergé mais qui là devient un expert ; très beau travail d’expression des pensées des personnages ; utilisation d’idéogrammes et pictogrammes, petits dessins qui à l’intérieur de bulles peuvent permettre d’exprimer des mots, des phrases, des idées, voir des histoires complètes comme c’est le cas page 2 ; enfin, rencontre avec un personnage rencontré lors d’un épisode précédent… Mais reprenons certains de ces éléments qui méritent plus qu’une simple énumération.
Le mouvement dans la vignette… Je vous ai déjà expliqué qu’Hergé était un génie du mouvement dans l’image fixe, mais il nous le démontre encore dès le départ de cet épisode… Regardons ensemble Haddock se prendre les pieds dans la valise et tomber dans les bras de ce pauvre Szut, Haddock, encore lui, surpris par le cri de Milou qui se fait écraser la patte par un inconnu, Monsieur Carreidas éclater de rire, ce qui est très rare, Tintin se prendre un coup de porte de cabine téléphonique sur les fesses, et, enfin, ce cher Tryphon Tournesol faire une démonstration de savate, sport qu’il pratiquait dans sa jeunesse et… Regardez cette magnifique vignette de la page 7, une des rares où Hergé choisit de faire sortir des éléments du cadre, une chaussure et une bulle… Ainsi il augmente l’énergie et la sensation de mouvement, effet accentué par les trois petites vignettes qui suivent sans aucun texte… Je n’en dirai pas plus sur le mouvement dans cet album, mais tentez de le relire en ne regardant plus que la dynamique hergéenne qui est présente du début à la fin, peut-être même encore plus à la fin durant l’éruption volcanique…
Pour ce qui est du suspens, il faut encore rappeler que les aventures de Tintin passaient généralement en feuilleton dans le journal de Tintin et que le petit mot magique « à suivre » se trouvait en bas de la page de droite… Prenons deux exemples parmi tant d’autres… Page 33, la vignette est remarquable : la rencontre entre Allan et Tintin. C’est la surprise totale des deux protagonistes. Ils étaient en mouvement et les voilà face à face à l’arrêt. Hergé sait saisir cet instant et lui donner toute son importance. Que va-t-il se passer ? Qui tirera le premier ? Comment Tintin s’en sortira-t-il ? On ne peut que tourner la page, attendre une semaine pour lire la suite… Mêmes éléments avec la fin de la page 45. Haddock, Tintin et Mik Ezdanitoff discutent ensemble quand soudain un cri horrible se fait entendre… Qu’est-ce que c’est ? Un nouveau danger ? Une souffrance ? Il faudra, là aussi, tourner la page pour comprendre de quoi il s’agit…
Mais revenons à l’histoire proprement dite. Hergé avait l’intention, un jour, d’écrire une histoire qui se passe entièrement dans un aéroport. Pourquoi ? « J’ai une idée, ou plutôt, une fois encore, j’ai un lien, un décor : j’aimerais que tout se passe dans un aéroport, du début à la fin. L’aéroport est un centre riche de possibilités humaines, un point de convergence de diverses nationalités : le monde entier se retrouve en réduction, dans un aéroport ! Là, tout peut arriver, des tragédies, des gags, de l’exotisme, de l’aventure… » Mais ce projet ne verra jamais le jour. Il essayera après Vol 714 mais finalement ce sera dans cet album qui racontera sa plus grande séquence se déroulant dans un aéroport…
Tintin, Haddock et Tournesol sont en voyage, pas à la recherche d’une aventure mais en route pour un congrès international d’astronautique car ce sont eux qui ont été les premiers à marcher sur la lune… Mais dans l’aéroport, ils commencent par rencontrer Szut, un pilote que l’on avait croisé dans Coke en stock… Mais que fait ce pilote ici… Il est le pilote personnel de Laszlo Carreidas, un célèbre milliardaire constructeur d’aéronefs… qui va, lui aussi, à ce célèbre congrès de Sydney… Lui aussi est un homme important de ce milieu, une sorte de Marcel Dassault, on dit que le constructeur français a bien servi de modèle à Hergé. Les présentations étant rapides, le courant passant bien entre le milliardaire taciturne et Tournesol, les voilà invités à prendre place dans le spécial Carreidas 160, un magnifique tri réacteur…
Mais voilà, c’est en quittant l’aéroport que le mécanisme de l’aventure enferme Tintin et ses amis dans un nouvel épisode tumultueux. En effet, entre Kemajoran, lieu de l’escale, et Sydney, lieu de destination, Hergé a caché, sur une île du Pacifique, Pulau-pulau Bompa, l’ignoble Rastapopoulos…
Cet horrible méchant par excellence n’est pas mort à l’issue de Coke en stock, non il a survécu contrairement à ce que pensait Tintin, et il avait décidé de se refaire en plumant un infect milliardaire… Mais puisque qu’il se trouve en possession de tous ses ennemis, il va en profiter en se vengeant une bonne fois pour toutes de ce Tintin, de ce Haddock, de ce Tournesol… Il est à noter que le second de Rastapopoulos est l’ancien second de Haddock, lorsqu’ils naviguaient sur le Karaboudjan, le triste Allan, ordure parmi les ordures qui a déjà eu l’occasion de trahir Haddock…
Le sauveur sera, tout d’abord Milou. C’est très important de comprendre que, si parfois Tintin se met en danger pour sauver Milou – nous ne citerons que Le Temple du Soleil et Tintin au Tibet – il y a d’autres situations où c’est ce brave petit chien qui sauve son maître. Et c’est bien le cas dans Vol 714. Dès son arrivée sur l’île, le chien prend sa liberté, déclenchant une salve de mitraillette… mais, du coup, il est disponible pour aider Tintin, ce qu’il fera très rapidement en venant défaire les liens de Tintin… Ainsi, le combat entre bons et méchants peut commencer, grâce à Milou !
Sur l’île, le scénario est enrichi par la présence d’un docteur très particulier, le docteur Krollspell, qui ressemble vraiment à un ancien nazi… Son sérum de vérité sera à la source de plusieurs gags… Et c’est bien le talent d’Hergé de faire rire tout en racontant des histoires graves…
Mais Hergé ne savait peut-être pas comment finir cette histoire… Ou, Bob de Moor, un jeune artiste qui est entré aux Studios Hergé en 1950 avait envie d’innover un peu, allez savoir… C’est lui qui a modernisé l’album L’île noire. Mais dans les derniers albums de Tintin, il prend une part de plus en plus grande si bien que certains pensent que Vol 714, en particulier la dernière partie de l’album, est le fruit de l’imagination et du travail de Bob de Moor. J’en suis convaincu, il suffit de lire d’autres travaux de l’artiste pour comprendre… Il ne se contente jamais d’un réalisme classique à la Hergé, il faut un peu plus de fantastique, voir de science fiction, ou un savant mélange des deux comme dans l’album des aventures de Blake et Mortimer qu’il a terminé, amélioré, Mortimer contre Mortimer, le second volet des Trois formules du professeur Sato… Alors, de quoi s’agit-il dans Vol 714 ? De la venue d’extraterrestres dans les aventures de Tintin… Si… Si…
Oui, ça peut surprendre ceux qui ne connaissent que peu Tintin et n’ont jamais lu Vol 714, mais c’est vrai que Mik Ezdanitoff arrive soudainement dans cette histoire, qu’il va sauver nos héros, qu’il les hypnotisera avant pour que l’on ne parle jamais du rôle de son peuple… et que Hergé, ou Bob de Moor, combinera l’action d’un volcan pour donner aux dernières pages un aspect très particulier, fort dangereux, pendant lesquelles Carreidas, Tintin, Haddock, Tournesol, Milou, Rastapopoulos frôleront la mort… Mais, pour être honnête, il faut préciser que Hergé était effectivement passionné par les extraterrestres, les phénomènes paranormaux… Donc le travail avec Bob de Moor fut probablement concerté…
Mais on ne sait pas ce que devient Rastapopoulos… Hergé avait-il l’intention de le réutiliser ? On ne saura jamais, mais au moins ceux qui aiment les méchants peuvent imaginer qu’il a été enlevé par les extraterrestres et qu’il sème encore la m… sur une autre planète ! Merci Hergé de nous laisser quelques possibilités de terminer à notre façon les vies des personnages que tu as créés et que tu as laissés en vie derrière toi…
La fin de l’album est marquée par une grande séquence de télévision, la dernière en noir et blanc dans Tintin, car la prochaine sera en couleur… Mais dans les téléspectateurs, nous avons la surprise, je ne dirais pas le plaisir, de découvrir l’assureur Séraphin Lampion… Dernières remarques humoristiques dans un récit plus sérieux…
Tiens, un personnage se souvient de tout. Oui, il y a bien eu des extraterrestres, un détournement d’avion, le grand retour de Rastapopoulos… Mik Ezdanitoff a laissé un témoin derrière lui… Quel danger pour un peuple fragilisé par une histoire délicate… Mais comme c’est Milou, tout va bien, le secret sera bien gardé…
« Ah ! Si je pouvais raconter tout ce que j’ai vu ! Mais on ne me croirait pas. »
Allez, encore quelques petits gags pour le fun… Regardez ce qu’il advient d’une plante arrosée au Sani Cola par Haddock qui préfère, vous vous en doutez bien, le whisky… Regardez Rastapopoulos essayer d’écraser un petit scorpion…
C’est donc un album atypique que Hergé nous donne après un long temps d’absence, un travail pendant lequel il fut beaucoup aidé, entre autre par ce fameux Bob de Moor, une histoire que j’aime bien, qui se lit facilement et dont le dessin est souvent d’une grande qualité. Alors très bonne lecture et à très bientôt autour d’une autre aventure de Tintin…
[...] 7 étoiles

Au fait, est-ce que Tintin n'aurait pas été par hasard plus renommé en "jean-foutre" et fumeur occasionnel, en travaillant par exemple à la supérette du coin ? Peut-être. Sauf qu'il n'aurait plus s'agit dés lors du même gênant reporter et qu'il aurait dû abandonner de ce fait toute ambition (et aussi il n'aurait jamais pu aller chez les soviets, puis ensuite écrire son brillant papier.) Bien sûr la question ne se pose pas formellement mais on pourrait se la poser à 2 ou 3 moments vu ces sacrilèges récents à son encontre; d'autant plus que je suis sûr que personne n'ignore le fait que cette histoire est parmi les plus contemporaines.

En transit donc vers Sydney, Tintin et Haddock choisissent soudain d'embarquer dans un autre avion et, alors en jet-lag, rencontrent ce faux-derche de Spalding, suivi du milliardaire ultra-successful qu'est Lazlo Carreidas, pour finir par bien d'autres sans oublier Alan, ce faux-jeton dévoué, avec son maître j'ai nommé le fâcheux et très néfaste Rastapopoulos, ainsi que surtout un professeur convaincu que nous ne sommes pas seuls dans l'univers. Et j'oublie le breuvage Sani-Cola...

Toutefois, si dans cet album et hors du détournement, on adorera tous non seulement cette importante devinette philosophique posée lors du combat naval, on pourra également très bien se demander qu'est-ce représente vraiment, au fond, le Mal; vu que les héros auront tous à lutter en définitive contre une entité...non-humaine. A chaque fois qu'on relit ce récit spectaculaire on ne pourra s'empêcher de voir à chaque fois défiler le fil des événements, sans pour autant prévoir à un seul moment la planche d'après ! Vol 714 est quasi-phénoménal comme voyage du journaliste du Petit-Vingtième. Certainement une des plus marquantes.

Antihuman - Paris - 41 ans - 30 octobre 2012


Etrange album 7 étoiles

Ca démarre génialement, plein de suspense. On arrive sur cette île du Pacifique, ça devient plus un survival qu'autre chose. Dès l'arrivée dans ce temple, on passe dans le surnaturel, avec un final que j'estime assez moyen (l'intervention de l'OVNI, désolé pour le spoiler). Dans l'ensemble, pas un des meilleurs crus, mais on prend du plaisir à retrouver Szut, Rastapopoulos, et à découvrir Carreidas, Spalding et ce scientifique aux airs de Jacques Bergier.
Un cru étonnant, bizarre, pas un des meilleurs, mais pas un des moins bons. Le plus à part.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 12 mars 2012


Vol 714 pour Sidney 9 étoiles

J'ai toujours beaucoup aimé cette aventure de Tintin. Je ne peux pas vraiment dire pourquoi mais je la trouve très divertissante. Ici, c'est une course contre la montre de la part de nos héros pour leur survie. Ce qui peut avoir fait décrocher bien des gens c'est l'intervention des extra-terrestres à la fin. Personnellement, ça ne m'a jamais dérangé. Une aventure de Tintin que j'ai souvent lue et que j'aime toujours.

Exarkun1979 - Montréal - 45 ans - 3 juillet 2011


Quelques bons moments 3 étoiles

En route pour Sydney, nos héros font une escale à Jakarta (Indonésie), où ils reverront Szut (qui les avait aidé dans Coke en Stock), devenu pilote d’avion privé pour un milliardaire nommé Laszlo Carreidas. À la demande de ce dernier, ils partiront avec lui dans son jet, mais l’avion sera détourné...

C’est drôle par moment, mais ce n’est pas mon genre d’aventure et moi non plus je n’aime pas trop Carreidas, mais inversement j’ai apprécié le retour du vilain Rastapopoulos (« Je te tiens !... Je vous tiens tous, et je vous écraserai comme...comme... comme j’écrase cette misérable araignée ! Flûte ! »). J’ai trouvé ça plus long que d’habitude. Enfin, pour le côté science-fiction de l’histoire, ça reste moins pire que Le ciel lui tombe sur la tête d’Astérix, mais je préfère les Tintin qui restent plus proches de la réalité.

Nance - - - ans - 8 décembre 2009


Mouais, mouais 6 étoiles

C'est vrai que ce tome a beaucoup de mal à convaincre. L'histoire n'en perd pas son humour, et les petites choses qui font de Tintin une BD culte. Mais bon, la fin est un peu bâclée, on dirait qu'Hergé a inventé les péripéties au fur et à mesure, sans réflexion, ni logique aucune. Bof, dommage donc.

Nouillade - - 33 ans - 4 août 2008


Quel bric-à-brac ! 4 étoiles

Cette aventure tire au n'importe quoi. Est-ce dû à un effet de mode ? J'ai trouvé que cet album n'avait ni queue ni tête. Peut-être y a-t-il un double sens que je n'ai pas perçu.

Veneziano - Paris - 47 ans - 29 mars 2008


Loin d'être mon préféré 3 étoiles

Vraiment ce vol 714 pour Sydney m'a beaucoup déçu. On y retrouve certes de l'humour et une histoire qui évolue beaucoup mais en fait ce qui m'a le plus gêné ce sont les personnages, notamment Carredas volontairement antipathique dans la BD et que j'ai trouvé très irritant pendant ma lecture et je pense que c'est là ce qui m'a dérangé.

Chip - Nancy - 38 ans - 23 septembre 2005


Une aventure inattendue 4 étoiles

De la part de Hergé on ne s'attendait pas à voir apparaître des extraterrestres. Mais finalement l'histoire est assez drôle, pleine de rebondissements inattendus. Surtout l'épisode de la savate avec Tournesol, le docteur avec le sérum de la vérité.... Un album que j'ai lu mais ce n'est pas celui que je relirai parmi tous les Tintin !

Lolita - Bormes les mimosas - 38 ans - 15 juillet 2005