Les enfants du sabbat
de Anne Hébert

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 19 juillet 2005
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Les démons du passé
Les premières pages de ce roman sont déroutantes. On ne sait pas trop à quoi s’accrocher dans cet univers changeant, car l’auteure multiplie les interrogations, les scènes étranges où elle emprunte parfois la voix des personnages alors qu’elle nous avait habitué à une certaine distance.

Le récit se mue autour de sœur Julie de la Trinité, membre de la communauté religieuse du Précieux-Sang. Une femme déchirée entre la rigueur ecclésiastique et une enfance marquée par l’horreur. À l’aide de séquences éthérées, on apprend les blessures de sœur Julie - un viol - des cérémonies orgiaques - l’amour d’un frère qu’elle a disputé avec une mère incestueuse et adepte de sorcellerie. Des épreuves qui ont laissé des traces sur l’âme de cette femme, maintenant hantée et littéralement stigmatisée. Est-elle aussi une sorcière ou possédée par le diable ?

A la fois une critique de l’institution religieuse, roman d’arrière-pays et conte fantastique, ce livre est un tour de force. L’histoire se forme par impressions, par suggestion, par les images d’une prose soignée mais expressive. C’est un roman sombre, presque gothique avec ses ambiances de couvent et ses tableaux de rituels. Certains seront rebutés par la violence et la folie ponctuant la vie de sœur Julie. Pour ma part, j’ai bien aimé.

(Prix du gouverneur général)
Livre mystérieux, ombrageux... 9 étoiles

C'est un livre tout à fait enivrant, décomposant. C'est un hymne à la folie d'une femme. Une femme, une religieuse incapable de se départir de son enfance, du souvenir de son frère.

Il est intéressant de voir comment l'auteure a été capable de nous faire ressentir la douleur et la folie de cette religieuse. C'est justement avec ce changement de ton de voix (un moment avec une certaine distance et le moment d'après, par les paroles de la religieuse), qu'elle a été capable de le faire.

Tout le noir de l'atmosphère se fait ressentir dans le texte entier. Ce qui m'a plu dans ce livre, c'est que l'auteure n'a pas été timide face à l'inceste, à l'occulte et à la religion. Elle a été capable de mettre sur papier tout ce qui peut être noir, ce qui peut être blanc et ce qui donne du gris par la suite.

Ce livre est aussi une façon de faire comprendre aux gens que même si nous semblons avoir une belle vie, une vie sans feinte, sans craque, nous avons tous nos démons noirs qui nous hatent jour et nuit.

Chéry - Québec - 45 ans - 4 septembre 2006