Fontevraud : Une femme et la fin d'un monde
de Monique Demagny

critiqué par Isaline, le 26 août 2005
(Tours - 43 ans)


La note:  étoiles
Partez à la découverte de l’abbaye de Fontevraud
Julie Sophie Gilette de Pardaillan d'Antin n'est pas n'importe qui. Elle est l'arrière petite fille de Madame de Montespan et la dernière abbesse de Fontevraud. Petit rappel pour ceux qui ne connaissent pas tout de la "douceur angevine". L'abbaye royale de Fontevraud se situe en Anjou, entre Saumur et Chinon, et fut l'une des plus grandes abbayes d’Europe. Elle fut édifiée par Robert d'Arbrissel au XIIème siècle, prédicateur itinérant qui créa un nouvel ordre dont l'originalité résidait dans sa mixité. En effet, les moines et les moniales étaient regroupés (il va s'en dire que les monastères, eux, n'étaient pas mixtes) au sein de l'immense abbaye et étaient tous placés sous la direction d'une femme, l'abbesse de Fontevraud. Cette charge était très importante et les abbesses étaient le plus souvent de sang royal.

Ce livre est une sorte de biographie de Gilette d'Antin, dernière abbesse de Fontevraud, qui, dans ses dernières années, fut contrainte d’abandonner l'abbaye aux pillages révolutionnaires. On en apprend beaucoup sur l'abbaye, sur sa création et son fondateur (étonnant Robert d'Arbrissel qui, pour montrer sa foi et la puissance de son voeu de chasteté, dormait entouré de femmes nues auxquelles il devait résister et auxquelles il résista selon la légende…) et sur l'originalité de l'Ordre Fontevriste. On découvre également le parcours de Gilette d'Antin, fille d'une famille de haut rang qui fut placé à l'abbaye dès l'âge de deux ans. Sa mère étant une courtisane proche de la Reine et devant assurer l'honneur de la famille en enfantant de nouveau (et d'un garçon cette fois !) elle ne put s'occuper de Gilette. La fillette étant la nièce de l'abbesse de Fontevraud, elle fut placé à l’abbaye dès son plus jeune âge, et grandit en ayant pour unique ambition de devenir à son tour abbesse. On constate en lisant ce livre que l'humilité n'était guère la qualité première de ces femmes, la plupart d'entre elles ayant une ambition démesurée. Gilette est de celle-là et parviendra à ses fins puisqu'à 40 ans elle devient abbesse (âge minimal pour pouvoir prétendre à ce titre). La vie se déroule paisiblement à Fontevraud jusqu'à la Révolution. La confiscation des biens du clergé causera la perte de l'abbaye (livrée au pillage complet et à la destruction) et de l'abbesse qui dut prendre la fuite. On compatit à la douleur de cette abbesse que l'on a vu grandir et qui, sans rien y comprendre, fut poussée dans les flots révolutionnaires. J’ai lu ce livre peu après avoir lu le sublime livre de Robert Margerit sur la Révolution (L’amour et le Temps) et il est intéressant de comparer ces différents points de vue sur cette période. Si avec Margerit on soutient la lutte révolutionnaire, on déplore avec M. Demagny le carnage qu’elle put causer.

Un livre intéressant donc, peut être un peu trop romancé puisqu’une sorte d’idylle entre l’abbesse et son ancien professeur de théologie sous-tend l’œuvre, et il n’est guère sûr que Gilette d’Antin aurait apprécié cette fantaisie (épisode plausible selon l’auteur qui se défend de cette critique, mais qui ne m’a, quant à moi, pas vraiment convaincue). Reste un livre à découvrir, pour s’intéresser à la création et à l’évolution de l’abbaye de Fontevraud.