Les Rebelles : celles et ceux qui ont dit non
de Jean-François Kahn

critiqué par Macréon, le 9 mai 2001
(la hulpe - 90 ans)


La note:  étoiles
Sus à la bien-pensance !
Pour Jean-François Kahn, les "rebelles" sont ceux et celles qui ont dit non, au cours de l'histoire.
Le livre est dédié "aux victimes des inquisitions qui permettent, aujourd'hui comme hier, aux castes dominatrices, d’imposer l’unicité de leur discours."

C’est l’hebdomadaire Marianne, dirigé par Jean-François Kahn, qui a publié en août 1999 une première série de monographies en forme d'esquisses rédigées par plusieurs collaborateurs de cet hebdomadaire, monographies, reprises et élargies par JFK qui en a fait un bouquin de 526 pages. Ce livre est une création nouvelle de l'écrivain-journaliste qui parcourt l’histoire à larges traits, certes, mais de façon originale, précise et percutante.
Les fortes personnalités se bousculent au portillon: le "non" de de Gaulle le 18 juin 1940, mais aussi le "non" sublime de Winston Churchill, le "non" de Pétain à la république, mais aussi celui des 80 députés français qui refusent son étranglement , les “nons" à la guerre, à l'esclavage, à la peine de mort, au travail des enfants, au féodalisme, aux guerres coloniales, le "non" immense de la révolution française. Figurent encore dans ce panthéon les noms de Léon Bloy (non à tout), Copernic, Alexandre Dubcek (non à l'armée rouge), Gambetta, Genet et Oscar Wilde (non à l’ordre moral), celui de Jésus-Christ (non aux marchands et aux prêtres), de Nietzsche (non à Dieu), de Victor Hugo que l’auteur cite souvent et connaît bien. Cette liste est non limitative et l'index en fin de livre comprend 12 pages de personnages dignes de figurer dans la mémoire de tous ceux qui refusent les pesanteurs de la pensée normative.
Quelles sont les qualités du livre du JFK ? C'est surtout un livre d'histoire, à la portée de chacun, qui balaie tous les pays, les époques, les personnages et les événements de l’Antiquité à nos jours. Fil conducteur de ces personnages : la recherche aigu‘ de la justice sociale, de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la résistance à l'exploitation, à la barbarie : "l’oppresseur ne renonce jamais de lui-même à la moindre parcelle de son oppression. Il fallut tout arracher de haute lutte."
Quant à JFK, figure de proue de la vie intellectuelle en France, agitateur d’idées et de paradoxes, c'est un vigoureux polémiste, habitué pugnace et extraverti des plateaux de télévision. Il n’appartient à aucune chapelle et penser comme tout le monde lui donne des boutons !

Les sujets graves ne manquent pas : l’absence de prise de position publique des églises contre le génocide des Juifs, connu dès 1942, et surtout de la plus haute autorité morale de l'Occident qui ne se fit pas entendre pour condamner clairement l’une des plus épouvantables entreprises de violation des principes moraux les plus sacrés que le monde ait jamais connue. Il ne fut pas le seul à se laisser prendre, en quelque sorte, en tenailles ,par “les deux mâchoires du manichéismeî. On rangera en effet dans le même sac, dit l'auteur, tous ces "progressistes" bien-pensants de la planète qui répugnèrent à dénoncer le stalinisme, relativisèrent ses forfaits, gardèrent le silence devant l’évidence de ses crimes. Comment le mal aurait-il pu se glisser dans le camp du bien? Au XIXe siècle, les révolutions se succèdent aux révolutions dans tous les pays d'Europe, ébranlant les monarchies ou les pouvoirs en place. En France comme ailleurs, toute rébellion valait souvent proscription, arrestation, déportation, incarcération, exécution. Les rebelles passaient facilement plusieurs années de prison pour recommencer de plus belle leur action subversive, après avoir purgé leur peine et bénéficié d’amnisties
relativement fréquentes.
L'idée de l'égalité totale est souvent le levier de la révolte, le soulèvement de masses (300 000 serfs vers 1535), par exemple en Allemagne, où Thomas Münster crée une ville nouvelle, une commune théocratique où l'on décèle, en filigrane, "la trame de ce qui prendra sa forme la plus achevée à travers le stalinisme ou l’épisode Khmer rouge: ce processus de perversion qui transforme un mouvement libérateur, et même pour une part libertaire, en une autocratie totalitaire et répressive, dopée au culte de la personnalité."
De beaux chapitres du livre, bien enlevés, sont consacrés à Jeanne d'Arc, Victor Hugo (l'idole de l’auteur), Rosa Luxembourg qui refusa la grande boucherie de 14-18,dénonça toutes les oppressions caporalistes, se rallia au bolchevisme tout en affirmant “que la liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement.î Jules Vallès aussi, un des écrivains les plus puissants, les plus originaux de la fin du XIXe siècle. JFK consacre de belles pages à cet "insurgé “, à la vie très agitée, et qui, à la fin de sa vie, réunit dans un dernier volume les plus saisissants tableaux qu’on ait jamais brossés du Paris populaire.
Nous conseillons la lecture du livre de Jean-François Kahn, notamment aux étudiants, afin qu'ils puissent élargir, parfaire leur culture historique. Cette lecture leur évitera aussi de lire des monceaux de bouquins dans les bibliothèques, et donc de gagner du temps.
Un oubli 8 étoiles

Il est des "non" non exprimés qui ont coûté bien plus chers que les "Non" proclamés, à commencer par celui de Munich ! Chamberlain et Daladier se sont bien trop laissés influencer par leurs opinions publiques (qui ne réagissent qu'au court terme) et étaient sans doute plus préoccupés par leurs élections respectives. Je crois les "non" non proclamés bien plus nombreux que les autres et ils ont en général la lâcheté ou l'intérêt personnel pour motif. Nous n'avons qu'à regarder la classe politique bien plus souvent poussée à prendre l'opinion dans le sens du poil, même si elle sait que ce n'est pas l'intérêt à long terme de la population qu'ils dirigent...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 16 octobre 2001


Ne voyons pas toujours tout en noir... 8 étoiles

Tous les hommes ne sont pas toujours intéressés !... Quant Copernic dit "non" aux obligations religieuses de voir le monde d'une certaine façon, il ne s'imagine pas devenir sénateur, député ou quoi que ce soit d'autre. Il sait qu'il risque surtout beaucoup d'ennuis, mais la vérité prime pour lui. Voltaire est au sommet de sa gloire quand il dit "non" dans l'affaire Callas. Il n'est pourtant concerné en rien par cette affaire, mais se bat contre l'intolérance et l'injustice. Zola, quand il écrit "J'accuse", n'a non plus rien à y gagner sauf un procès, l'exil et puis de finir par se faire assassiner... de Gaulle, à Londres, dit "Non", mais ce n'est p

Jules - Bruxelles - 80 ans - 16 octobre 2001


question 5 étoiles

A cela une question: le contre pouvoir est il un pouvoir ou mène t il au pouvoir, voire les deux. J'ouvre le débat.

Pétoman - Tournai - 49 ans - 10 octobre 2001