Les Yes Men : Comment démasquer (en s'amusant un peu) l'imposture néolibérale !
de Andy Bichlbaum, Mike Bonanno

critiqué par Bolcho, le 30 août 2005
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Réjouissant
Le livre est sous-titré « Comment démasquer l’imposture néolibérale en s’amusant un peu ». Deux jeunes américains créent un faux site de l’Organisation Mondiale du Commerce et parviennent ainsi à se faire inviter dans des colloques officiels pour y « défendre les positions de l’OMC ». Le livre raconte tout ça et reproduit leurs « géniales » interventions.
Leurs discours partent en général sur des bases presque plausibles et glissent peu à peu vers une dénonciation des thèses libérales de l’OMC ou même vers le délire pur et simple. Et l’assistance avale tout ça tranquillement, faisant confiance au statut des intervenants. Toute la démarche est évidemment une dénonciation de la démarche des « vrais imposteurs qui nous gouvernent » mais c’est aussi l’occasion d’un constat amer : l’être humain mis en position d’écouter le discours d’un supposé expert perd toute espèce de sens critique.
Il existe un film narrant les principaux épisodes contenus dans le livre (tapez « yes men » sur un moteur de recherche et vous trouverez des extraits). Je ne l’ai pas vu. Le livre, lui, est à la fois drôle, bien sûr, mais aussi triste (serions-nous des « yes men » ?) et également militant et instructif dans la mesure où il contient une dénonciation en bonne et due forme des méthodes de l’OMC.
Quelques extraits des discours prononcés devant des assistances d’économistes et de juristes de renommée internationale.
- Pour démontrer les avantages du commerce libre : « (…) les fournisseurs tuent rarement leurs clients et quand on fait des affaires, on n’a généralement pas recours au meurtre. Bien entendu, il y a des exceptions : la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, le génocide rwandais, la Yougoslavie, l’Irak, etc ».
- Dans un autre discours, nos lascars proposent de simplifier le fonctionnement démocratique qui leur paraît inutilement compliqué : au lieu de prendre de la richesse aux travailleurs pour que les entreprises privées puissent ensuite arroser de leurs générosités les partis politiques, ils proposent que les électeurs mettent directement leurs voix aux enchères sur internet.
- Réexaminant les tenants et aboutissants de la guerre de Sécession, ils font la démonstration du fait que l’esclavagisme aurait de toute façon disparu si « on avait laissé le marché fonctionner sans entraves », car les esclaves auraient vite coûté bien trop cher en entretien dans les pays riches alors qu’il est bien plus économique de les faire travailler là où ils sont naturellement, en Afrique par exemple…
- Toujours devant une assemblée d’experts, ils font la démonstration d’un vêtement particulier destiné aux chefs d’entreprises qui veulent, tout en gardant les mains libres, avoir sous les yeux les travailleurs disséminés partout dans le monde. Il suffit pour cela d’avoir perpétuellement sous les yeux un écran d’ordinateur spécial. A ces mots, le conférencier tire sur une valve cachée dans la région pénienne et un immense phallus doré de un mètre de haut se gonfle devant lui jusqu’au niveau de ses yeux : l’écran d’ordinateur se balance au sommet. Et dans la salle court un vague mouvement de surprise, puis les gens applaudissent et se penchent sur leurs papiers pour prendre note de la chose…

On pourrait ainsi citer toutes les autres interventions de nos experts sans cesse étonnés de n’être pas jetés sur le trottoir.
Comment les gens acceptent-ils qu’on leur propose de recycler les déjections produites par l’ingestion de burgers pour vendre des « shitburgers » au tiers-monde ce qui permettra – et ils le disent vraiment !- de « s’enrichir à la force du sphincter » !?
La dernière intervention a lieu, non devant un parterre d’experts, mais devant de jeunes étudiants à qui les auteurs proposent d’avoir recours à l’anthropophagie pour résoudre le problème de la faim dans le monde. C’est la seule fois où la salle réagit vivement et les conteste, d’où la conclusion : « Il faut croire que les gens qui passent par les écoles de commerce et les facs d’économie en sortent moins intelligents qu’ils n’y sont entrés ».

A lire, à offrir, à déguster. Et il y a plein de photos.