À la recherche du temps perdu, tome 4 : Sodome et Gomorrhe
de Marcel Proust

critiqué par Ulrich, le 6 septembre 2005
(avignon - 49 ans)


La note:  étoiles
La quête se poursuit !
Le quatrième tome de la recherche poursuit la plongée dans la nature humaine. Bien sûr, le titre l’évoque, la découverte, la perception de l’homosexualité est un des thèmes de ce volume. Mais ce n’est pas le principal. La jalousie l’est bien davantage. Quelle merveilleuse description de ce sentiment si touffu, si irrationnel, si entêtant. Gomorrhe lui sert de passerelle. Albertine d’incarnation de ce sentiment. Albertine sert aussi le récit. L’écriture est toujours aussi singulière et sans peur des mots prodigieuse. Mais pour la première fois depuis du côté de chez Swan, j’y ai trouvé des longueurs. La plongée aristocratique si fascinante dans du côté de Guermantes se poursuit dans ce nouveau tome. J’ai fini par trouver qu’elle ne fascinait plus que Marcel Proust. Mais c’est un détail, un tout petit détail tant l’ensemble continue de nous emmener dans les profondeurs de la nature humaine, dans son incroyable complexité ambivalente et parfois destructrice. L’homosexualité interroge le narrateur. Le doute y est permanent. Il découvre, comprend, ne comprend pas mais ne juge pas. Lors de la parution de l’ouvrage, son approche a pu troubler. Mais les yeux d’un lecteur de ce début de nouveau siècle y mettent trop de décalage historique. Sa perception ne peut plus être la nôtre. Peu importe, son écriture associée à une certaine forme de candeur rattrape tout. Elle nous berce, nous laisse regarder avec plaisir le temps qui s’est écoulé depuis l’écriture de ce livre. Le quatrième tome de la recherche poursuit avec bonheur la quête de ce que l’homme, l’esprit sont. Marcel Proust poursuit sa quête. Nous la nôtre.
Grand monde, poids des souvenirs et perception de l'homosexualité 7 étoiles

Si l'analyse socio-psychologique de la haute bourgeoisie et de l'aristocratie continue dans ce tome de la Recherche, le titre indique qu'il est davantage centré sur la perception de l'homosexualité et les pratiques des personnes enclines à cette orientation, le baron de Charlus remontant ici dans l'importance des personnages traités, sous l'influence directe du marquis de Montesquiou (comme la comtesse Greffhule a inspiré celui de la duchesse de Guermantes).
Le poids des souvenirs, leur importance restent importants, mais cette spécialisation change partiellement l'atmosphère générale du récit. Sans faire cas de sa propre orientation, sachant que le narrateur est censé être distinct de lui, ce livre lance un appel à la tolérance et l'ouverture d'esprit. Les scènes évocatrices y sont présentes, ce qui ne m'a séduit au mieux, mais cela reste intéressant.

Veneziano - Paris - 46 ans - 5 septembre 2019


Le meilleur tome ?? 10 étoiles

Je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit Ngc111 dans sa critique sur Sodome et Gomorrhe. En réalité, ce tome est comme un assemblage de tous les thèmes de "la recherche" où pour chacun Proust prend le temps qu'il faut. Ainsi, on retrouve les thèmes de l'amour et de la jalousie, de l'homosexualité, de la mort de la grand-mère, de la société des Verdurin, de la perte des sensations ressenties jusqu'alors à Balbec... Tous ces thèmes - à l'exception du dernier - bien qu'ayant déjà été traités auparavant, prennent dans ce tome une importance nouvelle par le fait d'une perpétuelle réminiscence : le narrateur se souvient de la scène de Mlle de Vinteuil, ce qui lui donne alors une clé pour comprendre les orientations sexuelles d'Albertine avec une "quasi-certitude" ; le retour à Balbec et le souvenir de la grand-mère qui l'accompagne font prendre conscience au narrateur que celle-ci est bien morte (c'est pour moi le passage le plus brillant, le plus beau) ; les relations de Swann-Odette, ou de Saint-Loup-Rachel jouent aussi un rôle important pour comprendre la relation Marcel-Albertine.
Clairement, c'est dans Sodome et Gomorrhe toute l'expérience du passé (ou des tomes précédents) qui semblait n'avoir aucune importance ou presque aux yeux du lecteur, qui permet de conférer un sens aux événements de ce magnifique tome. Tout cela ressurgit à notre conscience comme à celle de Marcel, et avec lui nous voyons, ressentons, rions, et aimons.
Dans Sodome et Gomorrhe, contrairement aux autres tomes, on ne s'ennuie à aucun moment, et dès lors notre temps n'est pas perdu, et c'est une grande chose que de voir ce monde prendre racine et vie à l'intérieur de nous.

Quentin Compson - - 37 ans - 18 février 2011


Le meilleur tome ? 9 étoiles

Après un troisième tome plus lassant et lancinant (de mon point de vue) je dois dire que j'ai bien plus apprécié "Sodome et Gomorrhe". Proust poursuit sa quête, de souvenirs en souvenirs, avec une perception temporelle, spatiale et esthétique qui laisse pantois.
Il faut dire que l'auteur nous met tout de suite dans l'ambiance de ce volume qui a pour fil rouge l'homosexualité (tant masculine que féminine). Ainsi le premier chapitre, que l'auteur lui-même qualifie d'exposé sur l'homosexualité, vaut le détour à lui tout seul. On y retrouve la diversité des comportements homosexuels, des analogies remarquablement bien insérées concernant les rapports entre êtres humains et ceux entre insectes et végétaux, ainsi que des allusions bibliques.
Le passage qui suit relatant une soirée chez la princesse de Guermantes est l'un de mes passages préférés de Proust (pour le moment). Remplies d'humour, de beauté, de cocasserie, les scènes se succèdent passant en revue les tares mondaines comme la lâcheté, l'hypocrisie, les vices cachés... finalement humaines avant tout. L'empressement de Vaugoubert auprès des jeunes ambassadeurs, la rencontre avec sa femme (dont le narrateur se moque quelque peu) sont des moments où le lecteur ne peut s'empêcher de décrocher des sourires.
Mais l'humour ne fait pas pour autant passer la beauté du style de Proust au second plan, en témoigne l'épisode de la fontaine mêlant habilement les deux.
On apprécie tout autant le retour à Balbec, où l'auteur s'attarde enfin sur le décès de sa grand-mère, la tristesse de sa mère, éléments un peu trop survolés à mon goût dans le tome précédent.
Viennent alors l'amour et ses turpitudes, ses sentiments d'appartenance (pour Albertine), de jalousie (pour le narrateur), les envies ou non de mariage. On découvre alors la complexité de l'union d'Albertine et de notre jeune "héros", chose qui devrait se poursuivre dans les prochains tomes.
Le côté mondain n'est pas oublié non plus à Balbec avec une société entourant les Verdurin, composée de personnages franchement réussis (et déjà abordés précédemment).
Et toujours cet humour à travers le personnel de l'hôtel (le liftier, le directeur...).
Ce tome est décidément, et pour le moment, mon préféré de cette saga qu'est "A la recherche du temps perdu" !

Ngc111 - - 38 ans - 5 juin 2010