Les désarrois de l'élève Törless de Robert Musil
( Die Verwirrungen des Zöglings Törless)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Un classique oublié
Ce roman sera centenaire l’année prochaine. Il a été porté à l’écran par Schlöndorff en 1966.
Törless est un adolescent timoré envoyé dans un pensionnat renommé de l’empire Austro-hongrois. Dans cette institution, il fera la connaissance de deux camarades plus dégourdis, Reiting et Beineberg. Lorsque l’élève Basini sera coincé à voler dans les casiers, le trio se chargera d’ébaucher une punition, comprenant diverses tortures morales et physiques, au point d’entraîner le coupable dans la servitude.
Si Törless est complice du châtiment, il ne participe pas aux violences, choisissant de rester en retrait, de même quand les jeunes hommes vont chez une prostituée dévergondée du coin, il ne passe pas à l’acte. Car Törless est en proie à un tourbillon d’incertitudes duquel il tente de s’arracher et qui mine son âme.
Étouffé par la quête d’une solution à un problème mathématique, par un questionnement philosophique constant, le jeune héros devra aussi composer avec les émois d’une sexualité bourgeonnante, une attirance pour le souffre douleur Basini.
Bien sûr, il n’est pas question ici d’un récit explicite, tout est en nuance, marqué par le flou « Törless ne connaissait aucun de ces sentiments par son nom, d’aucun il ne savait ce qu’il recelait ; mais l’ivresse de la tentation tenait précisément à cette ignorance. »
Par moment soporifique et traversée de longues réflexions existentielles, cette lecture n’est pas facile, mais le ton est agrémenté de cette belle rigueur allemande que j’affectionne particulièrement. Un grand classique, un roman initiatique sur l’éveil de la conscience dont les thèmes principaux sont intemporels.
Les éditions
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Les désarrois de l'élève Törless [Texte imprimé], roman Robert Musil trad. de l'allemand par Philippe Jaccottet
de Musil, Robert Jaccottet, Philippe (Traducteur)
Seuil / Points (Paris).
ISBN : 9782020238137 ; 7,00 € ; 03/02/1995 ; 236 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (5)
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Austérité
Critique de Aliénor (, Inscrite le 14 avril 2005, 56 ans) - 9 août 2010
J’avoue avoir attendu quelque temps avant d’attaquer la rédaction de ce billet, et ne pas savoir encore après ce délai si j’ai aimé ce livre ou non. L’écriture m’a en effet paru aussi glaciale que l’est l’atmosphère du lieu et de l’histoire. Difficile alors d’éprouver de l’attachement pour ce jeune héros, rendu franchement antipathique par l’indifférence apparente à tout ce qui l’entoure au début du récit, puis par sa dureté grandissant peu à peu. Et ce sentiment atteint son paroxysme lorsqu’il se laisse aller à la plus grande cruauté envers le quatrième protagoniste de cette histoire, véritable souffre douleur de ses deux amis. Tout cela parce qu’il refuse et refoule les sentiments que celui-ci lui inspire.
Cette lecture me laisse donc un vague sentiment de malaise, mais en même temps une impression qu’elle n’est pas de celles qui se laissent facilement oublier. « Les désarrois de l’élève Törless » est sans aucun doute à ranger dans la catégorie des livres à laisser mûrir.
Que serait science sans prescience ?
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 14 septembre 2009
Le jeune Törless débarque dans cette pension où il ne connait rien ni personne et doit faire le deuil de son passé, couper le cordon ombilical avec son pays, sa famille, son enfance et toutes les cajoleries dont il a été l’objet dans une famille aimante et attentionnée. Il doit faire face à une nouvelle vie avec des amis dont beaucoup sont ses aînés, dans une forme de huis clos où il devra trouver sa place en s’affranchissant de son enfance. « Il voulait se débarrasser ainsi de son ancien bagage, comme s’il s’agissait maintenant de porter son attention, libre de toute gêne, sur les pas qui lui permettraient de progresser. » Je n’ai pu, à cet endroit du livre, éviter de penser à Julien Green et au héros de « Moïra » que j’ai lu récemment, qui doit lui aussi s’intégrer dans un monde universitaire qui lui est totalement étranger.
Et, dans cet univers de jeunes mâles en pleine maturation, Törless découvre des notions et des sensations qui ne faisaient pas partie de sa vie antérieure, la sexualité, l’obscénité, le désir, la tentation, la culpabilité mais aussi la compétition, l’amitié, la tromperie, la trahison, … toutes notions qui contribuent à affirmer sa personnalité et sa place dans la meute où se manifeste un véritable attrait pour la virilité allant jusqu’à la brutalité et même au sadisme.
Ces rites initiatiques qui marquent le passage à l’âge adulte perturbent le jeune étudiant qui ne comprend pas ce qu’il va devenir, comment il va le devenir et avec qui il va le devenir. Il a l’impression de ne pas comprendre ce qui lui arrive et de ne pas trouver d’explication aux mécanismes qui règlent la vie. Il manque de repères et s’interroge sur l’éducation qu’on lui prodigue. « De tout ce que nous faisons ici, toute la journée, qu’est-ce donc qui nous mène quelque part ? » Interrogation d’un adolescent qui mute vers l’âge adulte, mais aussi interrogation d’une génération qui a bien conscience d’appartenir à un monde en voie de disparition, à une civilisation qui s’éteint comme on peut le voir dans les œuvres de Schnitzler notamment.
Mais, le vrai sujet du roman, à mon sens, réside dans les interrogations de Törless sur l’origine de nos comportements et de ce fait sur ce qui gouverne les êtres et le monde plus généralement. Il ne sait pas interpréter ce qu’il ressent mais il sait que cela contribue à sa prise de conscience des phénomènes qui le dirigent. La sensualité qu’il ressent dans les contacts physiques lui apporte des certitudes que les mathématiques ne peuvent pas démontrer et que même les théories de Kant ne peuvent pas expliquer. « Il y avait des moments où il avait si vivement l’impression d’être une fille qu’il jugeait impossible que ce ne soit pas vrai. » Et, c’est là que siège son désarroi dans cette impression qu’il y a une source de certitude qui ne provient ni de la science, ni de la connaissance, ni de la raison mais d’un ailleurs qui pourrait-être l’âme.
Alors dans son esprit germe une théorie qui mettrait en opposition un monde extérieur matériel et monde intérieur spirituel, le rationnel et l’irrationnel, la connaissance et le ressenti, l’acquis et l’inné, la raison et la croyance, la science et la prescience. « Une grande découverte ne s’accomplit que pour une part dans la région éclairée de la conscience : pour l’autre part, elle s’opère dans le sombre humus intime, et elle est avant tout un état d’âme. » C’est la raison pour laquelle, il faut associer l’âme à la raison et ne pas oublier que des initiés, même si Musil n’emploie pas le terme, ont apporté beaucoup à la connaissance du monde et des hommes.
Dans ce roman dont Musil dit que ses contemporains on vu comme «l’affirmation d’une « génération » nouvelle ; une contribution essentielle au problème de l’éducation ; enfin le coup d’essai d’un jeune écrivain dont on pouvait beaucoup attendre», moi, j’ai surtout senti cette explication essentielle sur la complémentarité entre la science et la prescience dans un texte un peu fin de siècle qui traîne encore quelques relents de romantisme. Le malaise, la nausée, l’écœurement font encore très jeunes filles qui défaillent bien que nous soyons au milieu de jeunes mâles en ébullition. Je reviendrai aussi sur les intentions de Musil qui prétend nous faire sentir plutôt que comprendre mais, pour ma part, je trouve que le roman est trop rationnel, trop cérébral, trop intellectuel, pas assez charnel, pas assez sensuel, pas assez sentimental, pour que l’objectif soit pleinement atteint.
Et malgré tout, je trouve que la transgression comme rituel initiatique donne plus d’humanité à ce roman, « quelque chose en est resté à jamais : la petite dose de poison indispensable pour préserver l’âme d’une santé trop quiète et trop assurée et lui en donner une plus subtile, plus aigüe, plus compréhensive. »
Musil, c'est Musil...
Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 52 ans) - 31 mars 2009
Troublé, torturé, hors du monde qui l’entoure sans doute parce qu’il ne sait y faire face, Törless entame l’expérience de la manipulation, la domination de l’autre.
Témoin passif de certaines scènes violentes, il ne dit mot pour mieux appréhender les limites, certaines d’entre elles, il est complice par sa passivité mais aussi par des velléités qu’il ne sait transformer.
Une écriture toujours aussi technique, éloignée des figures de style mais puissante par sa profondeur, confère à l’ouvrage une atmosphère pesante, parfois très pesante.
Amer
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 1 décembre 2007
Puissant. Ça me donne le goût de lire l’oeuvre maîtresse de cet auteur, L'homme sans qualités.
L'Europe des années 1900
Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 14 septembre 2005
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