Fragments de la vie des gens
de Régis Jauffret

critiqué par Rotko, le 23 septembre 2005
(Avrillé - 50 ans)


La note:  étoiles
Vive la joie !
Il a la cote, Régis Jauffret sur critiques libres ! Il est vrai qu'en général un avis suffit pour l'encenser et lui accorder quatre étoiles, au moins. Il écrit si bien ! Du vitriol, Mesdames, et à petites doses.
J'ai donc vu qu'"asile de fous" était l'histoire d'une rupture. Le mari charge son père d'apprendre la bonne nouvelle à la future délaissée. Sympa.
"Histoire d'amour" fait aussi rêver : un prof d'anglais viole une jeune femme qui, finalement, retire sa plainte. Alors, il veut s'incruster. "Mais pourquoi pleure-t-elle tout le temps" ? se demande-t-il ...

Bref, je suis allé voir " Fragments de la vie des gens".

"Romans" avec un S, précise l'auteur. Des textes courts qui disent le dégoût.

1er fragment : l'épouse lasse d'avoir sur le ventre son époux poussif ! depuis 2 heures qu'il gigote en vain...
2e fragment : Lui, il s'ennuie à passer les vacances chez ses beaux-parents, il ne pense qu'à attirer sa femme dans la chambre à coucher.
3e fragment :
"Elle en avait assez de ce type qui n'était jamais de bonne humeur. Il refusait d'aller à la plage, il disait qu'il n'aimait pas la mer. Il passait son temps à écouter la radio assis sur une chaise bancale, pourtant il s'avérait incapable de répondre quand on lui demandait des nouvelles de la météo.
Elle regrettait qu'il ne soit pas en train de mourir sur un lit d’hôpital comme le mari de sa meilleure amie. Son décès l'en aurait débarrassée mieux qu'un divorce, elle se serait installée dans le deuil avec délice. Elle se serait trouvée si bien sans homme, qu'elle ne l'aurait jamais remplacé.
En attendant, il vivait encore..."

ok ! moi, je prends le large !
on se suicide aujourd'hui ou demain? 6 étoiles

57 petits romans de quelques pages. Les protagonistes (souvent féminins) sont anonymes, ils sont interchangeables d'histoire en histoire, comme leurs non-histoires justement : les adolescentes ne cherchent qu'à se suicider, les jeunes femmes désabusées à éviter la grossesse, les mères de famille espèrent la mort accidentelle de leur progéniture. Par-ci, par-là, un homme frustré quitte le domicile conjugal faute de coït.

La lecture est souvent ennuyeuse et répétitive, comme en écho à la vie de ces femmes sans nom à qui Jauffret prête une morbidité prenante, et à mon sens pas toujours réaliste. A mon sens, il s'agit peut-être du propre ressenti du monde de Jauffret (masculin, nihiliste, dépressif et radical... d'écrivain aussi...) que précisément aucune femme n'a jamais partagé avec lui...
Cela dit, je suis allé jusqu'au bout de ces 330 pages dans une sorte de délicieuse petite morbidité du quotidien... On ne peut ensuite que se sentir mieux, comme après la lecture de Cioran (même si la noblesse stylistique de ce dernier n'est pas l'écriture très 21ème siècle de Jauffret.)

"Dans une petite heure, elle n'aurait plus jamais ce désir furieux de remonter le temps pour empêcher ses parents de se coller l'un à l'autre avec l'aspiration répugnante de concevoir une humaine supplémentaire, celle précisément qui se morfond dix-huit années plus tard gonflée de gros sanglots d'idiote qui n'aime pas la vie. Elle ne serait pas une adulte désespérée qui finit vers la trentaine par se reproduire à son tour dans l'espoir que ses enfants servent d'étais à sa structure branlante prête à s'effondrer."

Antiphon77 - Hainaut - 47 ans - 4 avril 2007


Marrant! 8 étoiles

C'est marrant comme les deux tristes critiques précédentes m'ont donné envie de lire ce livre...

Kinbote - Jumet - 65 ans - 31 octobre 2005


Tristesse sinistre 2 étoiles

Un bouquin noir, sinistre, désespéré. Jauffret nous fait partager son ennui, son dégoût de vivre, sa haine des gens et particulièrement des enfants. Le tout sur 57 petites histoires nouvelles, tableaux, on ne sait pas trop. Lui veut qu'on dise roman. Pourquoi pas ? L'ennui c'est qu'à part leur ennui, leur désespérance , leur envie de mourir, rien ne distingue vraiment tous les protagonistes. Ils ne sont d'ailleurs nommés que par LUI ou ELLE et comme ils se ressemblent tous, on ne peut s'empêcher de se dire qu'il s'agit de l'auteur lui-même.
Jauffret a une étrange facilité à s'introduire dans la pensées des femmes ou de ce qu'il s'imagine l'être.
Mais enfin, quel triste compagnon, quel sinistre interlocuteur ! Il flanquerait le blues au plus grand des optimistes.
A lire avant d'aller se flinguer ...

CC.RIDER - - 66 ans - 31 octobre 2005