57 petits romans de quelques pages. Les protagonistes (souvent féminins) sont anonymes, ils sont interchangeables d'histoire en histoire, comme leurs non-histoires justement : les adolescentes ne cherchent qu'à se suicider, les jeunes femmes désabusées à éviter la grossesse, les mères de famille espèrent la mort accidentelle de leur progéniture. Par-ci, par-là, un homme frustré quitte le domicile conjugal faute de coït.
La lecture est souvent ennuyeuse et répétitive, comme en écho à la vie de ces femmes sans nom à qui Jauffret prête une morbidité prenante, et à mon sens pas toujours réaliste. A mon sens, il s'agit peut-être du propre ressenti du monde de Jauffret (masculin, nihiliste, dépressif et radical... d'écrivain aussi...) que précisément aucune femme n'a jamais partagé avec lui...
Cela dit, je suis allé jusqu'au bout de ces 330 pages dans une sorte de délicieuse petite morbidité du quotidien... On ne peut ensuite que se sentir mieux, comme après la lecture de Cioran (même si la noblesse stylistique de ce dernier n'est pas l'écriture très 21ème siècle de Jauffret.)
"Dans une petite heure, elle n'aurait plus jamais ce désir furieux de remonter le temps pour empêcher ses parents de se coller l'un à l'autre avec l'aspiration répugnante de concevoir une humaine supplémentaire, celle précisément qui se morfond dix-huit années plus tard gonflée de gros sanglots d'idiote qui n'aime pas la vie. Elle ne serait pas une adulte désespérée qui finit vers la trentaine par se reproduire à son tour dans l'espoir que ses enfants servent d'étais à sa structure branlante prête à s'effondrer."
Antiphon77 - Hainaut - 47 ans - 4 avril 2007 |