Festins secrets de Pierre Jourde
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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"Engagez-vous dans l'Education Nationale!" qu'ils disaient.
Gilles Saurat s'apprête à vivre ce que va découvrir tout jeune enseignant au sortir d'années d'études difficiles: son premier poste dans une ville de province inconnue. Mais Gilles Saurat n'est pas un jeune homme enthousiaste dont le regard s'attarderait spontanément sur les beautés du monde qui l'entoure. Il semble emporter avec lui dans ses bagages une tristesse, une langueur et une lassitude qui ne promettent rien de bon. Ce qui l'attend effectivement pour ce premier poste baigne dans une atmosphère nocturne, pluvieuse et froide. Les collègues, les élèves, sa logeuse, aucun des êtres qu'il va côtoyer ne vont lui donner le ressord nécessaire. Ce nouvel environnement, il va s'y engluer, comme certains personnages d'Edgar Poe qui ne peuvent plus distinguer entre le monde réel et les images sorties de leurs pires cauchemars. Le style de Pierre Jourde est un enchantement, hésitant entre prose et poésie, baigné d'éléments à la limite du surréalisme ou de l'expressionisme le plus noir. On voudrait pouvoir retenir par coeur une foule de phrases qui entraînent le lecteur dans un tourbillon à couper le souffle.
Si, en plus, le lecteur est enseignant, il retrouvera dans certains passages de ce roman des scènes d'une réalisme bien trop familier, et l'exposé des théories pédagogiques en vogue présentées de telle manière qu'on se demande dans quel monde de science fiction on s'est égaré. Une lucidité ravageuse!
Je déconseillerais seulement ce livre aux jeunes étudiants encore intimement persuadés que l'Education Nationale va leur permettre de s'épanouir et que les adolescents de certaines banlieues n'attendent qu'eux pour se cultiver! Ils risqueraient d'en prendre un coup fatal au moral, et de subir des revers psychologiques comme ceux qui vont peu à peu plonger Gilles Saurat dans un état de délabrement moral irréversible. Ce roman m'a fascinée; dès qu'on en commence la lecture, on ne peut plus le lâcher jusqu'à la 511ème page; juste de temps en temps, une pause s'impose pour éviter l'impression que son crâne va éclater! Stupéfiant, magistral!
Les éditions
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Festins secrets [Texte imprimé] Pierre Jourde
de Jourde, Pierre
l'Esprit des péninsules
ISBN : 9782846360838 ; 4,64 € ; 25/08/2005 ; 510 p. ; Broché -
Festins secrets [Texte imprimé] Pierre Jourde
de Jourde, Pierre
Pocket / Presses pocket (Paris)
ISBN : 9782266166454 ; 7,60 € ; 24/09/2007 ; 473 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (5)
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Belle écriture mais...
Critique de Deinos (, Inscrit le 14 février 2009, 62 ans) - 13 mai 2009
mais où je me suis hélas ennuyé... peut-être est-ce l'excès de style... ou alors la surcharge dans la noirceur...
Le personnage est un être pitoyable... mais dès le chapitre un, la débauche d'effets, l'insistance dans le côté pitoyable du personnage me donna une impression de grotesque...
d'autant que le regard de Jourde, tout critique qu'il soit, est teinté de banalités, tant sur le regard sur l'école, les quartiers etc... certes le tout dans un superbe écrin.
Mais voilà, alors que pour certains le style est l'élément qui, pour moi le récit même est primordial... et lorsque je m'ennuie, je peine à lire...
D'où ma note... malgré le style et la haute qualité littéraire.
Immangeable
Critique de Saint-Germain-des-Prés (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans) - 7 janvier 2008
Une chose m’a particulièrement agacée dans le style de Jourde : le narrateur parle à la deuxième personne du singulier. Des « tu » par-ci, des « tu » par-là, de « tu » en « tu » le livre se traîne. Quelle lourdeur ! Et, si on comprend que ce « tu » correspond au héros, qui parle ? Qui est le narrateur ? On n’en saura jamais rien. J’ai rapidement trouvé ce procédé insupportable et j’aurais joyeusement interrompu ma lecture s’il n’y avait eu ces critiques précédentes…
J’ai dû passer à côté du livre que j’ai trouvé nébuleux, inintéressant, barbant dans ses digressions, même pas drôle, incompréhensible. Bref, un livre que, moi que cette idée révulse en temps normal, je revendrais volontiers…
A ne pas mettre entre toutes les mains.
Critique de Franckyz (, Inscrit le 9 janvier 2006, 46 ans) - 20 décembre 2007
Toujours est-il que la lecture de ce roman est un vrai choc !
Pierre Jourde ne fait pas dans la langue de bois et s'engage tête baissée à contre-courant de la bonne pensée ambiante.
Il en ressort une argumentation bluffante du système scolaire et de la vie dans les quartiers sensibles qui en déculpabiliserait le moindre enseignant, policier ou architecte !
Pierre Jourde n'a pas froid aux yeux et n'hésite pas à appuyer là ou ça fait mal sur des sujets en terrain glissant que d'autres évitent comme la lèpre.
Je dois avouer que l'autre facette de l'histoire concernant la relation Gilles Saurat/Mme Van Reeth m'a moins plu et que les 150 dernières pages m'ont paru bien longues.
Mais le tout en reste estomacant !
Décapant et déstabilisant
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 23 avril 2007
- contre l'Education Nationale, charge d'autant plus forte et d'autant plus juste qu'elle émane d'un romancier qui connaît cette institution de l'intérieur
- contre les villes de province qui ont perdu leur âme, dont le seul pôle est le centre commercial et sa galerie marchande
- contre l'absurdité de l'élevage et de la culture modernes
- contre les jeunes musulmans qualifiés de "petits tyrans"," barbares faisant régresser la société"
Que reste-t-il alors dans cet univers ?
Rien... La culture disparaît, remplacée par des divertissements télévisuels abêtissants ; l'intellectuel n'est plus que l'écrivain médiatique paradant devant les téléspectateurs et servant d'alibi culturel ( on reconnaît ici une des têtes de Turc de Jourde...) ; l'enseignant n'apparaît plus que comme le gardien d'un zoo où sont parqués des bêtes féroces ; les relations amoureuses ne donnent lieu qu'à des séances sado-maso, des enlèvements , des viols .
Vivre n'est plus que survivre à Logres, métaphore du monstre qui dévore ; Logres qui ne laisse jamais repartir celui qu'elle avale et digère ; Logres qui concentre toutes les formes du mal . Nombreuses sont les allusions à l'enfer, à Jérôme Bosch . Le nom de Hellequin, désignant la famille "d'anges de l'apocalypse" , résidant dans le quartier de la Saint Barthélémy, ( le choix des noms n'est pas innocent.....) renvoie habilement à ce pandémonium . Un enfer concentré dans l'accumulation des clichés retrouvés dans le bureau de Georges Van Reeth .
Roman déstabilisant , non seulement parce qu'il dérange certaines certitudes, parce qu'il traite du thème du double et de la perte de la personnalité, mais surtout parce que le lecteur y est sans cesse ballotté , comme le héros dont il épouse le point de vue, entre rêve et réalité, entre raison et fantasme . Du premier au dernier chapitre, on constate ce que Gérard de Nerval appelle "l'épanchement du songe dans la vie réelle", une interpénétration de ces deux univers, en particulier dans les scènes de rencontres nocturnes avec la sirène . Jourde se réfère d'ailleurs ouvertement à Nerval quand il cite un vers de El Desdichado :" J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène". Le rêve vire souvent au cauchemar surtout lorsque le héros voit resurgir de la boue le soldats morts aux Ecargues lors de la Grande Boucherie .
Un roman choc, qui ne nous lâche pas, qui ne nous laisse pas indemne, et qui , par la grâce de son style conjuguant puissance et élégance , n'est jamais pesant.
quel choc
Critique de Peuta (GRENOBLE, Inscrit le 25 juillet 2005, 49 ans) - 6 octobre 2006
Énorme bouquin... qui va beaucoup plus loin qu'une simple description de l'enfer du "mammouth" ; finalement la partie sur l'explosion de l'éduction nationale entre la sauvagerie des ados et l'ubuesque administration n'est qu'une image parmi d'autres d'un univers qui nous paraît familier car il ressemble atrocement au nôtre. La petite ville de Logres est une exagération de toute la crasse humaine... une exagération ?... punaise ! à voir...
A mettre mal à l'aise ! rappelons-nous régulièrement : c'est une fiction, c'est une fiction... brr...
Bravo à p. jourde qui nous livre un roman complètement décomplexé (on se croirait dans un livre américain) n'hésitant à mélanger les genres : au diable les carcans, récit, polar... fantastique ? bien sûr ! et ça passe... atrocement bien ! la fin (à ne pas dévoiler !!) est une merveille d'ambiance (on dirait du Lynch).
il faudrait le relire une deuxième fois pour bien tout saisir. Quoique ? faut-il tout maîtriser ? allez, gardons plutôt cette impression d'égarement...
bravo, bravo. des bouquins comme ça j'en redemande !
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