Patrick Declerck par Dada, le 6 août 2002
Comment en êtes-vous arrivé à vous occuper de cette population ? Pourquoi les clochards?
On ne va pas dans un terrain comme celui-là sans avoir un échos personnel. Il y a donc dune part, une volonté de décrire et de sinterroger sur les limites de lhumain - ce qui est un projet philosophique - et dautre part, il y a le fait que je suis moi-même apatride : je suis né en Belgique, jai vécu dans une douzaine de pays et maintenant je vis en France, mais je pourrais vivre ailleurs, et donc jai le sentiment, moi-même, dêtre assez peu inscrit dans un ordre social ; jai probablement une sensibilité particulière à ces gens qui eux ne sont véritablement inscrits nulle part. Donc, jai commencé à travailler auprès deux, dabord comme anthropologue et ensuite comme psychanalyste. Jai voulu que ce soit balisé, du moins en ce qui me concernait, parce quon est là dans un sale milieu qui est le néant, linforme par excellence, donc il faut sen protéger.
Dabord anthropologie avec observation participante. Il fallait donc vivre dans la rue, mendier, se faire ramasser par la police, aller dormir incognito dans les centres dhébergement, Je me suis rendu compte que javais à faire à une population qui était malade psychiquement et physiquement.
Jai été co-fondateur des Missions France des Médecins du Monde et jai ouvert la première consultation découte. Je suis passé danthropologue à soignant, et écoutant de leur souffrance psychique.
Tout cela plus le livre que je voulais dans Terre Humaine parce que ça me semble être le lieu dune pensée carrefour et interdisciplinaire avec une liberté de ton qui était absolue. Ca fait près de 20 ans de travail.
Pourquoi écrire un livre là dessus ? Est-ce que vous aviez un message particulier à faire passer ?
Jai mis 8 ans à écrire ce livre, jai mis 3 ans simplement pour trouver le ton car je voulais éviter les souvenirs du bon docteur ou le Traité de Sociologie, je voulais aussi éviter le piège de lesthétique, du voyeurisme. Cela dit, cette longue écriture ma permis de développer dautres choses, décrire des histoires pour enfants, des nouvelles, qui jespère vont être publiées dans un avenir relativement proche. Jai pu explorer dautres choses et, en fait, apprendre ce beau métier quest le métier décriture, qui est pour moi très difficile (ça demande un temps fou). Je pense que le premier objectif de lécriture - et jai découvert cela au fur et à mesure de ce travail - cest lécriture elle-même, cest ce qui est poursuivi en soi. Cétait ma volonté de dabord écrire pour écrire. Jai commencé à travailler sur cette population en 1982, à une époque où elle intéressait très peu de monde et je suis devenu analyste, et je pouvais ainsi en même temps consulter et être anthropologue. Tout cela a fait de moi un témoin privilégié de diverses scènes, de diverses histoires, de divers vécus "extraordinaires" et jai voulu témoigner de cela, et jai voulu, dans ce livre, au fond, rendre hommage ou faire une stèle ou un cairn, à ces hommes qui laissent très peu de traces et dont la vie semble être faite tout de miettes.
Mais il y a quand même des messages que vous faites passer (en tout cas moi jen ai vus, et je pense quil y en a pour les gens qui lisent ce livre) vous parlez entre autres à la fin du livre du retour à la fonction asilaire, qui est peut-être une piste davenir, ou de redéfinir le contrat social ; et ça peut être compris comme des messages, mais alors à qui sont-ils destinés ?
Je pense que au-delà de cette volonté de témoigner ou décrire, ou de faire partager une expérience, il y a une volonté de critique ; critique de laide sociale et volonté dexposer le sadisme social, la violence sociale dont sont victimes ces gens qui sont à la périphérie de la société. Je suis indéniablement de sensibilité anarchiste et je crois que la société est une forme dorganisation inévitable (je ne suis pas utopiste ou rêveur. On est là-dedans et on ne sait pas faire autrement que dêtre là-dedans) mais en même temps, il faut être conscient et se protéger de la violence sociale sous-jacente, cachée, larvaire qui se révèle aux marges de la société. On voit très bien ce que la société offre à ces gens qui semblent la refuser (alors quils ne refusent rien, ils sont simplement incapables de fonctionner dans le normal, on nest pas dans le choix, mais ils "semblent" la refuser) lalternative est très claire : soit ils ne vont pas vivoter mais crevoter dans la rue, avec des hébergements durgence ponctuels, etc., soit ils vont être mis au travail en passant ou non par une formation. Mais finalement, ceci est une exigence de fonctionnement de normalité très brutale. Et donc ce qui est vu comme une transgression, on le leur fait payer, éventuellement de leur vie.
Mais ne serait-il pas intéressant que votre livre éveille le projet dune institution qui fonctionne autrement, au moins une qui serait le début dune série ?
Ce nest pas mon projet parce que je me connais suffisamment pour savoir que ce nest pas ma tasse de thé de gérer une institution, ou de créer une institution, je suis un solitaire et je suis sur dautres projets décriture. Je poursuis un projet intellectuel à travers ça qui est un questionnement danthropologie philosophique, ma réalité, cest ça. La pente, la logique de mon existence cest celle-là. Cela dit, je suis incapable de gérer quoi que ce soit ou de fonctionner très longtemps en équipe, en revanche si une telle association se créait, ce serait, je pense, une excellente chose. Je pense aussi que, autant ce livre est bien reçu, dune part en étant un succès de librairie, dautre part, par dexcellentes critiques des média (puisque cest étonnant davoir la une de "Libé-Livre", ou dautres), autant, mis à part Médecins du Monde, les associations caritatives sont muettes, les pouvoirs publics aussi, parce que ce livre est une critique radicale de leurs pratiques, des termes de léchange, de ce qui est offert à ces gens. Donc, si les choses évoluent, elles névolueront que sous le poids de lopinion publique mais elles ne se changeront pas toutes seules. Et donc cest certainement un billard à deux bandes et si évolution il y a, cela passera par lopinion publique.
Comme beaucoup de choses dailleurs
Comme beaucoup de choses parce que je pense que le système est dune inertie profonde mais en plus de ça, on touche là un point fondamental du contrat social qui est : "quest ce que la société moffre, quest ce que la société est prête à financer, à tolérer ? Est-elle prête à laisser vivre des gens qui sont dans loisiveté ? Et au fond, jusquoù la société est prête à tolérer la folie ? ". Cest une question fondamentale et qui soulève énormément de résistances.
Dans votre livre, on comprend quil y a différents niveaux de désocialisation (de la pauvreté à la grande désocialisation). Entre les deux, peut-on dire quil y a des niveaux à travers lesquels ces personnes bougent, évoluent ?
Il y a certainement un continuum entre la pauvreté, lexclusion sociale, le chômage, et aussi lexclusion culturelle lécrasement culturel et cette forme extrême de désocialisation quest la clochardisation. Et là dedans, sil est illusoire dintroduire des coupures radicales, on voit en revanche se développer des logiques et des pathologies de comportement, mais aussi des stratégies dexistence qui deviennent de plus en plus inadaptées, de plus en plus pathologiques. On est dans une pathologie croissante et jai choisi de parler des clochards pour désigner une population qui est la plus pathologique et la plus extrême de ce processus. Et pour les différencier des "sans abris" ou des "sans domicile fixe" qui sont des appellations purement négatives qui ne disent rien en soi de lidentité des sujets, le terme "clochard" a lavantage relatif dinduire chez les uns et les autres cet ensemble de représentations dhommes dans le relâchement, dans la saleté, etc., on voit très bien cette figure.
Ce qui ma beaucoup interpellé dans ce que vous racontiez, est la place que prennent entre autres les immigrés de lEurope de lEst et leur potentielle violence Ils profitent en quelques sortes de lasile et de laide Ny a-t-il pas de garde fou à ce niveau-là?
Un des problèmes de laide sociale, cest que, plus on va dans la dégradation de lêtre humain, plus il faut avoir des systèmes daide qui nont pas de portes, qui accueillent du monde, qui ont à permettre à tout le monde de rentrer ; donc on souvre à un problème de dérive structurelle : dautres populations moins pathologiques, plus costaudes, mieux organisées peuvent parasiter ces lieux et on assiste à ce moment-là par divers mécanismes à une exclusion - encore une ! - de gens auxquels cette aide était primitivement destinée. Cest ce que lon constate à divers endroits et ça pose un certain nombre de problèmes dautant plus que personne ne va dans des lieux dhébergement pour le plaisir, mais bien parce quon en a plus ou moins besoin, on est plus ou moins en détresse, plus ou moins abîmé physiquement, plus ou moins en danger. Ca veut dire que ces populations migrantes, souvent sans papier, dEurope de lEst (bon, en même temps leurs besoins sont légitimes) posent un problème très difficile qui est celui de la légitimité de leur vie ici. Ce qui pose tout le problème de limmigration, ce que les gens de gauche, ou de sensibilité de gauche, nont pas envie véritablement daborder, pour diverses raisons qui sont légitimes. Mais en attendant la situation se dégrade. Je nai pas particulièrement de réponse vis-à-vis de ça mais cest un constat. Et il est certain quon est là face à, soit un laisser aller qui conduit à une mise à lécart des plus pauvres et des plus fragiles parmi les fragiles, soit une décision politique qui sera de toute façon dune relative brutalité et qui pose problème dailleurs dans les projets douverture de lEurope. Cest la question de lafflux dune population de pays structurellement plus pauvres avec ou sans contrôle, et, que lon soit de droite ou de gauche ou quon ait envie ou non de se confronter à cette problématique dune manière ou dune autre on ne peut pas léviter, hélas.
Cette fameuse violence pose, pour moi, trois questions : celle du crime, celle de la sécurité et celle du sécuritaire. Par rapport à la question du crime, selon vous, est-ce quon pourrait faire un parallèle entre la question de la délinquance et un phénomène comme celui de la clochardisation? Plusieurs fois dans votre livre vous soulignez des similitudes, pensez-vous quon pourrait faire un parallèle par exemple au niveau étiologique?
Cest une question très difficile, Dans les faits, on constate que beaucoup de clochards sont passés par la prison, pour des raisons qui restent souvent obscures, généralement petite délinquance ; dans tous les cas, la prison, lhôpital, lhôpital psychiatrique, lasile de nuit sont des choses qui vont main dans la main. Ca fait partie du tableau très souvent. Mais je crois quand même que, dune manière générale, la délinquance nécessite tout de même une certaine force du sujet - il faut poser des actes, des actes violents - et aussi être dans le projet ; je veux dire que, paradoxalement, la délinquance est encore une manière illégale ou dangereuse, une tentative de réaliser au moins une partie des objectifs de la normalité (cest-à-dire être plus riche, avoir de largent, pouvoir acheter des choses même si cet argent sert à se droguer), on est encore finalement dans une forme déchange social et dune manière ou dune autre dans une tentative daméliorer son propre sort. Tandis que le clochard, pour faire un raccourci, na plus la force dêtre un délinquant, il nen a ni la force ni lintérêt parce que lamélioration de son propre sort ne lintéresse plus. Et donc, certes, il y a des actes délictueux, certes il y a des crimes, certes il y a des meurtres, parce quon est dans une population qui est massivement alcoolisée et qui est dans les psychotropes ou des choses comme ça, mais au fond on est dans des explosions de violence, dans des actes très ponctuels, mais pas dans des stratégies de délinquance. Cela se voit, en particulier vis-à-vis de certains toxicomanes. Une partie des héroïnomanes finissent clochards, on est là dans quelque chose qui demande une dépense énergétique immense (il faut voler beaucoup dautoradios et de sacs de vieilles dames pour pouvoir gagner 10000 fb par jour (prix dune dose)) donc à un moment ça sépuise dautant plus que le produit lui-même nest pas très bon pour la santé Et une partie des héroïnomanes passent à lalcool, il y a une substitution des produits. Une partie des toxicomanes, en général, descendent vers lalcool qui est beaucoup moins cher, dont on peut sapprovisionner pratiquement partout et qui permet à haute dose dêtre au moins aussi défoncé mais lalcool est toxique et cest quelque chose dextrêmement puissant et dont on ne dira jamais assez la toxicité. Et donc une partie de ces toxicomanes finissent par abandonner le produit et par se sevrer de lhéroïne, par exemple, tous seuls. En passant souvent par des phases de polytoxicomanies et ensuite de plus en plus à quelque chose qui se maintient avec de lalcool.
Et que faire, par exemple, en cas de délinquance de clochard ? La prison nest peut-être pas la plus adaptée ? Mais que faire ? Passer outre ?
Jai travaillé en prison aux Etats-Unis, au Tenesse, dans des programmes déchanges universitaires, dans une prison de haute sécurité ; jai donc une relative, une petite expérience dans ce milieu. Je pense que beaucoup de prisonniers que jai connus, au fond, cherchaient en partie à finir en prison. Probablement parce que la prison, paradoxalement, offre un certain contenant à leur angoisse. La prison est aussi un asile, un asile épouvantable mais cest un asile. Et cela permet à une série de gens de sy abriter deux-mêmes. Dans le cas des multi-récidivistes, la vie sorganise autour de la prison, et la prison est lhabitus. La question qui se pose alors est de savoir pourquoi ils ont besoin de la prison ? Probablement parce que la prison agit comme un obstacle entre eux-mêmes et eux-mêmes. Je ne défend pas les prisons qui sont des lieux dhorreur, mais nempêche que ça rentre dans des stratégies dorganisation psychique. Je pense que certains clochards cherchent à aller en prison comme ils cherchent à aller en hôpital psychiatrique.
Et est-ce que, dans ce cas de figure, la prison équivaudrait à la même chose, pour eux, ou à des choses différentes ?
En tous cas, ça peut servir à se mettre en grilles, ça peut servir aussi à forcer une rupture de la dépendance vis-à-vis des drogues.
Bien que en prison cest un endroit où beaucoup de drogues circulent
Oui mais pas nécessairement lalcool. Donc on est là dans quelque chose dambigu et il faut voir le rapport aux substances. Il y a des gens qui sont exclusivement, ou quasi, alcooliques (plus médicaments, car cest toujours plus médicaments anxiolytiques, antidépresseurs, etc.- qui leur sont prescrits, mais il y a aussi le marché noir). Toutefois, à la prison comme à lhôpital, il y a toujours une température ambiante, qui fait quon ne meurt pas dhypothermie et quon est nourri. Donc il y a probablement des stratégies de se réfugier en prison comme on le fait à lhôpital.
Vous parlez également des clochards comme dune "population imaginée dangereuse"
Il y a toute une série de fantasmes. Quand jai commencé à travailler sur le terrain, mon premier contrat de recherche émanait de la RATP qui sinquiétait des populations qui vivraient dans le métro. Et un des fantasme de la RATP et de la police, cétait quil y aurait des gens qui vivraient dans le métro, qui se livreraient à des trafics de drogues - comme si les clochards étaient riches - ou qui vendraient du matériel de construction mi-lourd de la RATP. Mais on est dans le fantasme le plus absurde, comme si un clochard allait aux puces de Saint-Ouin vendre une bétonneuse de la RATP ( !) ; mais on était là dedans. Et cest en quelques sorte "grâce" à cela que jai eu accès à ce terrain, parce quils voulaient savoir ce quil en était. Donc on est dans un fantasme de dangerosité qui est là de façon pérenne alors quil sagit dun population malade, qui est très faible et qui ne pose pas de problème de sécurité mis à part vis-à-vis deux-mêmes (quand ils urinent dans les couloirs de métro, ils se font renverser par des métros, ils se mettent alors en danger pour eux-mêmes).
Et si vous deviez décider de la prise en charge des clochards ? Et sils ne dépendaient pas du "sécuritaire-humanitaire" comme ça lest maintenant, de quel domaine cette prise en charge dépendrait-elle ?
De la médecine, de la psychiatrie, de laide sociale. Quel est le critère ? Quand on voit des lieux comme Nanterre, cest là que se trouve la solution. Quand on voit que de tels lieux peuvent être parasités par des jeunes migrants polonais ou ukrainien qui sortent physiquement les clochards et les jettent dans la rue. Il y a les ramassages du Samu Social (qui est une bonne idée, mais en même temps il faut être très prudent ), il y a des numéros quon peut appeler mais qui sont très longs à appeler car ils sont très occupés (et bien sûr ça marche beaucoup mieux si on a un portable, et si on a la force de téléphoner) cest à dire que plus on est organisé, plus on a la chance dêtre aider. Ca veut dire que le dispositif lui-même a tendance à favoriser linclusion de personnalités plus organisées que les plus clochardisés des clochardisés. On est là dans une perversion du dispositif. Le seul critère de sélection valable cest la dangerosité physique pour le sujet, cest à dire le risque. Encore faut-il une volonté politique, et pas seulement politique mais aussi musculaire de lappliquer car on est en présence de populations qui sont en compétition pour un même lieu et il faut pouvoir assurer cette affaire. Mais cela me semble être le seul critère. La psychiatrie, dans son ensemble (il y a des exceptions), mais la psychiatrie se détourne des clochards ce sont des gens qui sont vus soit comme dépressifs, soit alcooliques, mais dont le besoin dabri au long court nest pas du tout satisfait par la psychiatrie, qui veut de moins en moins traiter les fous, elle veut traiter des psychotiques ; et elle ne veut pas être asilaire. Et donc il y a là une démission scandaleuse de la psychiatrie dans son ensemble. Je crois aussi que lantipsychiatrie et le mouvement de destruction des asiles, (qui était certainement une bonne chose, les asiles sont des institutions, comme on sait, qui ont tendance à devenir totalitaires ) mais en même temps on a jeté le bébé avec leau du bain, cest à dire quon a démoli non seulement lasile mais la fonction asilaire, ce qui nest pas du tout la même chose. Il ne sagit pas denfermer les gens (et cétait ça qui était épouvantable dans lasile, cétait la privation de liberté qui permet évidemment tout les abus) mais si les gens peuvent se lever et partir, il y a beaucoup moins dabus possibles. Je ne parle pas du tout denfermer quiconque, je parle de fonction asilaire qui offrirait la possibilité de pouvoir se mettre à labri si on le souhaite au long court et à durée indéterminée (ce qui est à mon avis un droit fondamental). Ce sont des choses tout à fait différentes mais que la psychiatrie ne veut pas entendre. Elle est fermée à ça car elle na aucune envie de se voir comme la gardienne de gens qui ne vont pas mieux ce nest pas gratifiant.
Je voulais vous demander si vous aviez trouvé une réponse à votre question "Y a-t-il une vie avant la mort?"
Pour moi oui parce que je ne me suis pas encore suicidé donc OUI, pour moi, il y a une vie avant la mort mais je crois que lintérêt des fous et les clochards sont des fous est, par leur existence même (ce nest pas une volonté consciente de leur part), dattirer notre attention sur le caractère peut-être structurellement invivable de leur vie. La grandeur de lhomme, de lindividu, cest quil doit se trouver des raisons de vivre. Mais au fond poser cette question à la fin du livre, est pour moi un appel à lindividu : nacceptons pas nimporte quelle solution toute faite que nous propose la société parce que ces solutions sont des faillites déficitaires, ce sont des manières de ne pas vivre sa vie. Je cite H.D. Torrow, qui disait "la plupart des hommes vivent une vie de désespoir à bas bruit". Cest cela quil faut absolument casser, cest ça laliénation. Vivons vraiment une vie que lon se choisit, le choix nest pas absolu évidemment, il a des contraintes, mais faisons attention à notre propre individualité. Et je pense que dans la révolte inconsciente des clochards, il y a cet appel et ce questionnement cest pour cela aussi quils sont fascinants et attendrissants.