Nicolas Rey par Sirocco, le 25 juillet 2006
« Vallauris Plage » est ton cinquième livre. Tu as commencé à écrire en 1998. Comment t’es-tu dirigé vers l’écriture?
Parce que je me suis fait jeter, larguer !! J’avais 20 ans, j’étais à L’Essec : une école de commerce, et je suis tombé sur une jeune fille qui avait 16 ans dont je suis tombé fou amoureux. Elle m’a dit après 3 mois d’un air assez désolé qu’elle n’était plus très sûre d’être amoureuse de moi. En 3 mois, elle avait déjà rompu 30 fois. J’ai trouvé que c’était vraiment injuste d’être amoureux de quelqu’un et qu’il n’y ait pas de réciprocité. Je me suis dit qu’il ne fallait rien tenter sur le coup car j’avais peur de la faire passer de l’indifférence qu’elle éprouvait pour moi à l’agacement, au mépris, à la pitié, à des choses encore moins belles. Donc j’avais une énergie démentielle au service de rien du tout. Ne pas bouger, faire le mort. ! Ensuite, je me suis dit que si j’avais une chance sur un milliard de la reconquérir autant faire un truc… Et j’ai fait un livre « Treize minute », évidemment romancé. Le coup de chance, c’est qu’il a été publié.
C’est génial ! Et tu as réussi à la reconquérir ?
Évidemment que non ! Je lui ai dédicacé le livre, mais ça n’a pas marché…
Tu parles ici d’une énergie que tu as eue pour ce premier roman, tu n’as jamais eu peur de la perdre ?
Après c’est avaloir, et puis t’écris, c’est un métier comme un autre. C’est bien plus compliqué pour les proches, car ils te connaissent tellement bien qu’ils pigent tout de suite comment tu vas. La plus belle et la seule chose que m’ait dite mon père après avoir lu un de mes livres c’est « Je ne savais pas que tu étais aussi triste, qu’est-ce qui s’est passé ? ».
En ayant conscience de cet impact auprès des gens que tu aimes, il y a des choses qui doivent être plus difficile à écrire?
Non . Moi je m’en fous. Le meilleur moyen de faire des mauvais livres, c’est d’écrire en pensant à ses proches. Sinon, je fais un album photo, ce n’est pas la peine. Tous les coups sont permis… La seule chose importante, c’est d’estimer soi-même la page qu’on a écrite, mais ce n’est certainement pas faire plaisir à sa sœur ou à sa mère, ou alors tu travailles dans une banque. Mais pour eux, ce n’est pas facile.
Cette plage est-elle le fruit de ton imagination ou est-ce une plage qui existe, où tu as des souvenirs ?
C’est une plage qui existe encore et qui a appartenu à ma marraine. J’ai passé mon enfance et mon adolescence à être bercé par les récits du Vallauris plage. Mon père a vécu longtemps avec cette dame, c’est elle qui l’a élevée, et donc adolescent, il était plagiste. À l’époque, la loi du littoral interdisait toute construction en dur, donc tu devais monter ta plage. Il y avait tous les adultères et les passions possible le temps d’un été. En septembre, il devait tout enlever, tout démonter. Et j’aimais bien ce cadre-là, cette unité de temps-lieu, comme dans une tragédie ou une panne d’ascenseur ou une pièce de théâtre.
L’idée du meurtre est-elle venue tout de suite ?
Oui. Je voulais faire un polar. J’ai eu des problèmes parce que j’avais le cadre, mais pas l’histoire. J’ai galéré pour trouver l’histoire. Après, pour chacun de mes bouquins, j’ai toujours, au dos d’une enveloppe, le titre, le début, deux trois choses sur le milieu et la fin. J’ai besoin de ça. Donc, je savais dès le début comment ça allait se terminer.
Tes personnages viennent d’horizons socio-culturels très différents., cela a dû être amusant de créer cette sorte de famille ?
Ce qui m’intéressait, c’est l’idée qu’une famille, ce n’est pas seulement qu’une appellation sanguine. Il y a d’autres sortes de familles. Celle-ci est liée par cet attrait pour Ariane, par ce secret. De créer cette famille quasi mafieuse, c’était agréable !
Frank, le personnage principal de votre livre, fait la différence entre les filles de première catégorie et de deuxième catégorie. Ariane est une femme clichée de la seconde catégorie. Au fil de la lecture, tous ces clichés, ces différences s’estompent. Ariane gagne-t-elle en profondeur ?
Au début, cette fille est un cliché, genre « Deseperate Housewife », et, au fur et à mesure, elle prend de l’épaisseur de l’ambiguïté, de la sexualité. C’était intéressant de commencer avec un personnage complètement stéréotypé et d’en faire quelqu’un de vivant. J’ai essayé du moins… C’est elle qui m’a le plus surpris dans le livre.
Le Bébé qui naît à Vallauris plage, c’est le tien ?
C’est exactement ça. Je ne voulais pas en parler et puis je n’ai pas pu m’en empêcher.
Quels sont les auteurs que tu aimes?
J’ai lu assez tard. Vers 15 -16 ans. Le Diable au corps de Radiguet, des choses assez classiques : Voyage au bout de la nuit de Céline, Belle du seigneur, Montherlant. Et puis après, la littérature américaine. J’ai commencé grâce à un prof au lycée à qui je n’avais pas rendu ma fiche de lecture, et en la croisant au réfectoire, elle m’explique qu’elle va me mettre un zéro. Je lui réponds que je n’aime aucun des livres qu’elle propose mais que si elle veut bien en rajouter un à sa liste, je lui promets de le lire. Elle refuse, ensuite elle me crie dans le couloir : Nicolas « Le Maître des illusions » Donna Tartt, vous me le rendez demain. Je me suis précipité chez le libraire et je l’ai dévoré jusqu’à 4h 00 du matin et puis j’ai écrit tout de suite. J’ai fait le Maître des illusions de A à Z. C’est la première fois que j’ai eu une bonne note, et je me souviens de ce qu’elle a écrit et c’était : « 27e lettre de l’alphabet pour vous dire à quel point j’ai aimé ce que vous avez écrit ». C’était vraiment la seule fois que quelqu’un m’avait encouragé. Après, c’est comme avec des dealers, dans le bon sens du terme. C’est avec les libraires, on commençait doucement avec des livres qui se lisent facilement et puis, au fur et à mesure, on finit par s’accrocher à un auteur. C’était John Fante, Bucowski, Richard Ford… Un bouquin pas connu du tout qui est « les Locataires de l’été » de Charles Simmons chez Phébus… Les livres, je les aimais parce que ma première grande histoire, c’était avec ma prof de philo, et dès qu’elle me filait un livre, je le lisais parce j’avais envie d’être à la hauteur. Ma mère était la prof de philo de mon père. Je n’en ai jamais parlé à mon psy…