Chantal ADAM par Cayenne, le 11 juin 2008
Le secret des amandiers », votre second bouquin, vient d’être publié. C est un roman noir de fiction. Vous avez changé de style par rapport à votre premier livre ?
La façon de rédiger est évidemment la même c’est effectivement le genre qui est littéralement différent. Mon premier roman « L’aquarelle bleue » est une histoire de vie. Même si le « je » se perd rapidement dans la fiction, manière de donner du corps au récit, il reste un roman autobiographique. D’une certaine façon c’était un exutoire. « Le secret des amandiers » est un roman d’atmosphère. La haine y est omniprésente et sans merci. Descriptions et analyses psychologiques créent une tension dramatique qui place, du moins je l’espère, le lecteur dans l’attente de ce qui va arriver.
Dans votre premier roman vous plantez le décor dans une ancienne commune minière de l’agglomération liégeoise. Dans le second, vous faites voyager le lecteur en Espagne ; pourquoi ?
Je plante mon décor dans un endroit que je connais. J’aime à m’égarer dans de longues descriptions paysagères et pour ce faire j’ai besoin de repères, j’ai besoin que les lieux me soient familiers et qu’ils me procurent des émotions. L’histoire du premier roman se déroule sur la terre où je vis depuis 53 ans ; inévitable puisqu’il s’agit en quelque sorte, je le rappelle, d’un roman autobiographique. Dans « Le secret des amandiers », j’emmène le lecteur entre le Delta de l’Ebre et les monts escarpés du Priorat, une région pittoresque, à l’est de Barcelone. Le Priorat est une terre interrompue à la verticale où l’olivier séculaire veille sur la vigne souveraine. Un endroit hors du temps où j’aime à me perdre.
D’où vient cette manie du détail dans les descriptions architecturales ?
Déformation professionnelle, sans doute. Je suis, depuis plus de 30 ans, employée dans une mairie, au service des travaux et de l’urbanisme. Lorsqu’au fil de son enquête, mon héros se retrouve dans la charmante ville de Reus, l’occasion de m’adonner à une description de l’Art Nouveau était trop belle pour que je ne la saisie pas. Les façades de céramique avec leurs décorations florales typiques du Modernisme catalan, les fenêtres échelonnées, encadrées par des arcs semi-circulaires, les rampes des balcons réalisées en fer forgé avec des motifs floraux spécifiques de la ville, sont de véritables merveilles de la fin du 19ème. Oui, Reus est une ville qui méritait franchement que je m’y attarde un moment.
Vous semblez attacher beaucoup d’importance à la « chute ». Dans vos deux livres, elles sont aussi surprenantes qu’inattendues. Comment vous en vient l’idée ?
D’emblée, dès la conception du canevas. L’histoire se construit, pas toujours dans l’ordre chronologique d’ailleurs, en fonction de la chute.
La violence dans les scènes de crimes est plutôt « suggérée » ce n’est qu’à la découverte des corps que le lecteur réalise l’atrocité des actes, je suppose que c’est du voulu ?
Oui, c’est un roman d’atmosphère. Même si un crime a toujours quelque part un caractère violent, le lecteur n’en prend conscience qu’à la découverte des corps qui sont, post-mortem, affreusement mutilés. Pourquoi ? Des informations, nichées au cœur du récit, sont distillés ça et là pour suggérer de fausses pistes au lecteur de manière à conserver le suspense jusqu’à l’ultime chapitre.
Comment avez-vous dénicher votre éditeur ?
Le hasard. J’ai transmis beaucoup, j’ai reçu quelques propositions (parfois « honnêtes » souvent inacceptables – compte d’auteur). Puis Chloé des Lys a pris contact. Une petite maison d’édition dans le Hainaut, une équipe jeune, dynamique, super sympa : j’ai signé.
Quels sont les auteurs que vous aimez ?
J’ai une tendresse particulière pour Federico Garcia Lorca : passion, sang, flamenco…Un personnage vraiment hors du commun, on a joliment écrit de lui : « Lorca n’est pas andalou, il est l’Andalousie ! » Sa poésie, sa vie me fascinent. La poésie est un art combien difficile qui demande une parfaite maîtrise technique. Personnellement je n’ose même pas imaginer pouvoir m’y risquer un jour. Ensuite, il y a évidemment le maître : Stephen King. Ses écrits m’hypnotisent. Plus les chapitres défilent plus le plaisir est grandissant. J’ai récemment lu « La part des ténèbres », un bouquin qui date de 1989. Epoustouflant, des meurtres d’une violence incroyable, une âme tourmentée mais plus que tout les moineaux psychopompes ; ceux qui viennent chercher l’âme des morts vivants m’ont carrément impressionnée. Cette histoire m’en a inspirée une autre ; une nouvelle qui s’intitule « Le coursier » et que je présente actuellement à un concours.
Lorca était un homosexuel notoire. Doit-on y trouver un parallèle avec les victimes de votre bouquin qui sont toutes issues de la communauté gay ?
Ah ! je n’y avais pas songé en écrivant ce livre. Mais non, aucun parallèle c’est simplement l’histoire qui l’exigeait. Je n’en dis pas plus au risque de dévoiler en partie l’intrigue. Ceci dit, je ne nourris aucun a priori envers les homosexuels au contraire je trouve ces gens, en général, sympathiques et touchants.
Etes-vous cinéma ou théâtre ?
Cinéma sans aucun doute. « Seven », « Rencontre avec Joe Black », « Légendes d’automne »… Dois-je poursuivre ? Vous aurez certainement compris où se situe mon intérêt !
Une citation ?
« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire, c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » Jaurès.
Quels sont vos projets ? Un troisième roman peut-être ?
Oui, un roman en préparation et un recueil de nouvelles.
Un recueil de nouvelles dans quel genre ?
Un patchwork de genres. Nouvelles policières, fantastiques, romanesques… avec un thème commun : « La rencontre ».
Un souhait ?
L’adaptation du « Secret des amandiers » par Almodovar. Ne sommes-nous pas des rêveurs ?