Katryn

avatar 02/08/2009 @ 12:37:31


Dans l’après-midi, ils sont allés à la mer et m’ont emmené avec eux sans trop réfléchir. Lui, dès leur arrivée sur la plage, s’est déshabillé et s’est jeté à l’eau. Elle l’a suivi sans un mot. Ils m’ont rapidement un peu oublié. Un peu puis beaucoup !

Comme eux, la mer m’attirait irrémédiablement. Ebahie, j’avançais doucement vers elle. D’abord, l’eau chatouilla mais aussi refroidit mes pieds. Sans tarder, je me sentis déjà me reposer sur elle. Puis me reposer en elle. Des sentiments étranges entre l’admiration et l’effroi m’envahissaient. Peu à peu, l’eau me transportait. Nous ne faisions qu’un.

A l’horizon, la mer se confondait avec le ciel, il était impossible de distinguer ce qui appartenait à la mer et ce qui restait au ciel…
La mer et le ciel, elle et il, ne faisaient qu’un à l’horizon. Le partage, l’échange, l’égalité, tout y était total, parfait, sublime. Là, je rencontrais enfin l’Amour, le vrai, là, devant moi, si grand, si visible, si beau, si profond, et si lointain... J’ai pointé le doigt. Une fois encore. « Regardez » je disais au monde.
Je tentais de toucher l’horizon. C’était à portée de la vue. Mais si loin du toucher.

- Nous la voyons si souvent cette scène-là. Et pourtant on ne la regarde jamais ! On ne regarde jamais là où il faut. Jamais comme il faut. , L’Amour. Je le voyais là, où et quand je ne l’attendais guère…

C’était la fée. Elle m’a pris la main et m’a entraîné avec elle. J’ai pensé avec elle. Pensé à la mer, dans laquelle je nageais.
Celle qui enlace les trois quarts de la terre. Je me rendais compte que je nageais dans cette eau si infiniment douce, tendre et délicate… Ses vagues me caressaient sans relâche… Des caresses si authentiques que l’on ne douterait jamais de leur force. De leur conviction.

Une tendresse infinie qui attire femmes et hommes vers elle, sans qu’ils sachent pourquoi. Des caresses qui expriment parfois ce sentiment profond, par la mer, de t’absorber, de t’avaler en son sein… Ce sentiment que seule une mère ressent quand elle devient… mère.
Après je ne sais combien de temps passé dans l’eau, j’arrivais à la rive, toujours avec la belle fée. Epuisée, la mer a fini par me lâcher sur sa rive.
Comme à ma naissance, j’étais épuisé(e), lâchée sur ce corps, chaud, qui m’accueillait avec l’affection et la douceur du sable. Je suis restée allongée, exténué(e), pendant un bon moment. Et aucune main artificielle ou « plastifiée » n’est venue me prendre, m’interrompre, cette fois, dans ce bonheur que je vivais. Je contemplais, pour la première fois, depuis les fins fonds de mon asthénie, cette mer et ses perspectives, sa douceur et sa générosité sans fin.

J’ai pris conscience, ce jour-là, que la mer caresse… la terre, toute entière, sans discontinuer, qu’elle materne, en toute discrétion et avec une générosité infaillible depuis sa naissance. Qu’elle caresse la terre avec un amour si profond, que ses caresses, ces vagues, commencent depuis si loin qu’on n’en voit jamais le commencement. Que cet amour part depuis l’invisible, depuis le plus lointain et le plus profond des mers. Que pourtant la terre n’aperçoit de cette caresse qu’à peine un mètre, un peu plus ou un peu moins, quand la main de cette vague l’atteint et caresse enfin sa plage.

Je me rendis alors compte de cet Amour entre la terre et la mer. La terre portait la mer, par amour, sur elle, depuis toujours. Que la mer n’avait jamais cessé de la toucher, l’embrasser… la caresser. Et que pourtant, la terre ne pouvait sentir qu’une infime partie de l’expression de cet amour.

Je me rendis compte que l’amour peut être si profond et si grand que l’on ne peut même l’imaginer. Et que les expressions que l’on peut ressentir de l’Amour, ne sont que si infimes quant à tout ce qui y est si indescriptiblement enfoui et profond.


EXTRAIT de :
LES LETTRES PERCANTES (des Lettres Persanes trois siècles après MonTeC'QuiEst? ) de Michel Nekourouh

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