Mœlibée 14/06/2004 @ 20:19:36
Merci Bérénice, je vais commander « Le Siècle des intellectuels » de Winock au plus vite. Il m'intéresse en effet. Plus particulièrement, et ça tombe bien, je lis avec plaisir – en général – tout ce qui concerne Gide, dont Pierre Lepape (encore !) a d’ailleurs fait une sorte de biographie synthétique, dont il faudrait que je fasse une critique un de ces jours, si je trouve le temps. Au fait, je suis « tutoyable » (et c'est la coutume ici).

Bérénice 14/06/2004 @ 23:12:20
J'ai remarqué en effet que tout le monde se tutoie...seulement voilà j'ai beaucoup de mal avec le tutoiement !
A part ça, je vois que je ne suis pas la seule à m'intéresser à Gide...ça me fait plaisir, parce que celui qui a pourtant été l'écrivain de toute une génération semble être peu à peu oublié...et c'est tellement dommage ! Et incompréhensible aussi...

Mœlibée 15/06/2004 @ 11:31:49
Plaisir partagé ! Celui qu'aujourd'hui on n'étudie presque plus au collège ni au lycée, qui est pour ainsi dire « passé de mode », et qu’on présente parfois comme un grand intellectuel seulement – et non comme un grand écrivain, un homme de lettres (il s'est consacré toute sa vie à la littérature), celui-ci, donc, est mon écrivain favori, que je lis au compte-goutte, afin de préserver le bonheur à venir. Mais tous les écrivains reviennent de manière cyclique à la mode, il suffit d'attendre.

Bérénice 15/06/2004 @ 12:05:24
Balzac appelait ça les "rossignols"...les chefs-d'euvres qui dorment dans le plus haut rayonnage des bibliothèques oubliées attendant qu'un curieux désoeuvré les lise et les aime, et les fasse accéder enfin à la renommée qui leur est due...
mais pourquoi ceux-ci sont oubliés tandis que d'autres qui valent moins sont toujours aussi vivants ?

Mœlibée 15/06/2004 @ 21:28:12
Alors nous sommes, à CB, ces curieux qui délogent de leur nid douillet certains rossignols ! Au fond, ce n'est pas dramatique que Gide - et d'autres - soit, non pas oublié, mais passé de mode. Car, d'une part, dès qu'on s'intéresse un peu à la littérature, on s'aperçoit qu'il est - et d'autres toujours - à peu près incontournable ; d'autre part, sans doute n'aurais-je pas tant pris de plaisir à le découvrir et le lire, si, comme on le fait avec Balzac par exemple, on nous « l'inculquait » tôt à l'école comme un classique, et qu'on nous l'imposait. Gide est pour moi un écrivain libre, qui déborde largement du cadre des lectures scolaires – qu’au reste je juge absolument utiles ; c’est un écrivain à découvrir par soi-même, adolescent : un âge idéal pour lire ses Nourritures par exemple, comme un manifeste de liberté et peut-être de transgression.

Bérénice 15/06/2004 @ 21:33:19
Tout à fait d'accord...espérons donc paradoxalement que Gide reste dans l'ombre et que jamais il n'attire l'attention des faiseurs de programme scolaire...qu'il ne soit accessible qu'aux initiés de la littérature...qu'à ceux qui sont déjà entrés dans le sanctuaire...
Cependant il me semble que bien que j'apprécie énormement Gide déjà, beaucoup de choses m'échappent que je ne pourrai comprendre que lorsque j'aurai dix ans de plus...

Mœlibée 15/06/2004 @ 21:45:03
Ça tombe bien ! Je ne sais plus avec quels mots exacts, Gide lui-même disait qu’il était un écrivain qu’on ne devait pas lire, mais relire. Son idée en disant ça n’était pas de vanter son œuvre, mais plutôt de souligner ce fait singulier que ses livres revêtaient une peau nouvelle à chaque lecture, ou relecture, devrais-je dire ; qu’ils se révélaient « à l’usure », et qu’ils devenaient ainsi meilleurs.
Je crois qu’il parle de ça dans ses entretiens radiophoniques avec Jean Amrouche : il faudra que je les réécoute.

Bérénice 15/06/2004 @ 22:52:34
et moi, que je les écoute...je n'en avait encore jamais entendu parler. ca se trouve où ?

Mœlibée 16/06/2004 @ 01:53:28
Il s’agit de 5 heures d’entretiens entre Jean Amrouche et André Gide sur la vie de ce dernier, réparties en 2 volumes par l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) :
Volume 1 : « Les Jeunes années »
Volume 2 : « Les années de maturité »
Voici le lien vers le site de l’INA : http://ina.fr/produits/disques/…
Il semble, d’après tous les sites que j’ai visités, que le second volume soit épuisé. On peut sans doute l’obtenir d’occasion.
J’ai acheté les deux volumes sans difficulté (il doit y avoir plus d’un an), dans un rayon de la Fnac, entre les livres lus pour aveugles et d’autres entretiens radiophoniques.
C’est très émouvant d’entendre la voix même de Gide s’exprimer sur la grande et la petite histoire littéraire, sur sa vie, sur ses proches et sur ses œuvres. Un livret récapitulatif et quelques photos accompagnent chacun des volumes.

Bérénice 17/06/2004 @ 03:41:33
Merci ! Dès que je peux je me l'achète et l'écoute religieusement...

Mœlibée 17/06/2004 @ 13:34:20
Bonne écoute !
J'espère que le volume 2 sera « trouvable » quelque part.
Voici le lien vers la boutique des archives de Radio-France (le volume 2 n’y est pas non plus) :
http://radiofrance.fr/divers/boutique/…

Bérénice 17/06/2004 @ 22:43:24
re-merci pour toutes ces précieuses informations ! et ça m'intéressera que nous en discutions quand je me serai procuré ce CD et l'aurai écouté

Jules
18/06/2004 @ 09:39:33
Je crois que la nécessité des relecture est vrai pour toutes les grandes oeuvres. C'est vrai pour Dostoïevski, Yourcenar, Camus, Malraux, Giono (aussi un oublié injustement) Mishima et bien d'autres.

Pour Yourcenar aussi un bon lecteur est un lecteur qui relit. Il est normal aussi, et heureux, qu'avec le temps on trouve d'autres choses dans les grands livres. Avancer dans la vie fait voir les choses autrement parce que notre propre vision des choses évoluent. C'est heureux !

J'ai lu "Alexis Zorba" de Kazantzaki à 16 ans. Je l'ai relu à quarante cinq et j'ai remarqué que je soulignais tout autre chose. A seize ans je n'avais souligné que ce qui était blanc ou noir, à 45 beaucoup plus tout ce qui était en nuances ou esthétiquement beau...

Je suis à la troisième lecture de "L'idiot" des "Démons" et des "Frères Karamazov", mais aussi à la quatrième "Des mémoires d'Hadrien" et de "L'oeuvre au noir" et à chaque fois je suis aussi ébahi d'admiration !...

C'est une grande chance plutôt que de perdre mon temps à lire plein de livres écris aujourd'hui par des gens qui n'ont pas la moindre idée de ce qui existe comme possibilités. Mais à chacun ses goûts...



Ça tombe bien ! Je ne sais plus avec quels mots exacts, Gide lui-même disait qu’il était un écrivain qu’on ne devait pas lire, mais relire. Son idée en disant ça n’était pas de vanter son œuvre, mais plutôt de souligner ce fait singulier que ses livres revêtaient une peau nouvelle à chaque lecture, ou relecture, devrais-je dire ; qu’ils se révélaient « à l’usure », et qu’ils devenaient ainsi meilleurs.
Je crois qu’il parle de ça dans ses entretiens radiophoniques avec Jean Amrouche : il faudra que je les réécoute.

Manu55 18/06/2004 @ 12:09:55
A propos de la relecture...

Jusqu'a présent, je pensais qu'il y avait bien assez de livres à lire, pour ne pas perdre de temps a en relire certains.

Depuis plusieurs mois, je sens que plusieurs livres m'appellent doucement.

"relis moi, relis moi !".

Cet appel est de plus en plus insistant, et je me surprend rever au moment ou je vais replonger dans ces histoires qui m'avaient transportées...

Je vais céder à leurs suppliques, et tant pis pour les autres

Mœlibée 18/06/2004 @ 13:14:28
Je suis d'accord avec vous deux. Sans compter que dans certains livres, la fin nous éclaire sur certains personnages, certaines actions, leur donnent un sens, comme une sorte de clef de voûte. Ainsi, alors que la première lecture est souvent guidée par l'intrigue (mais que va-t-il se passer ?), les autres permettent une vision d'ensemble, presque la vision de l'auteur lui-même, et tout change, les personnages, leurs idées, leurs actions, au vu de l'intrigue qu'on connaît déjà. On saisit la portée des choix, des événements, sans uniquement se laisser porter par eux. Toutes les relectures d'un roman nous donnent un vision fataliste sur les faits qu'il retrace, puisque, comme Dieu en personne, nous connaissons la destinée de chacun de ses acteurs.

Bérénice 18/06/2004 @ 13:31:49
Je ne peux que dire : je suis totalement d'accord. C'est exactement ce que je me disais. Moelibée, vous m'enlevez les mots de la bouche !

Jules
18/06/2004 @ 18:31:42
Cela fait longtemps que je dis que ce n'est pas un problème de connaître la fin d'un grand livre.

Quand il est bon, en effet, on savoure combien mieux le style et la façon qu'a l'auteur de construire son oeuvre, de faire vivre ses personnages.

Qui ne connait la fin des "Misérables", de "Germinal", du "Vieil homme et la mer", de "Pour qui sonne le glas" etc ?... Tous des livres que je relis pourtant, parmi d'autres, et j'y trouve chaque fois autre chose.

Quoi ? On prétendrait avoir compris "La peste", Malraux, Sartre et bien d'autres auteurs à 15 ou 16 ans ?... Je ne crois pas !

Mais, tout autant, qui oserait dire à 30 ans qu'à 15 ou 16 ans il a aussi bien compris "Le Diable au corps" qu'au moment de le relire ?...

Qui, après avoir relu un grand livre cinq ou dix ans plus tard, peut dire que c'est bien ainsi qu'il se souvenait de lui, de l'intrigue et des personnages ?

Pour cela nous aurions dû l'apprendre par coeur, comme un poème de Baudelaire, Verlaine, Rimbaud ou Apollinaire que l'on connaît toujours...

Mœlibée 18/06/2004 @ 21:47:18
Bien sûr, tout cela est juste. Mais, malgré tout, même dans un bon roman, l’intrigue n’est pas à reléguer au rang de nécessaire support à des idées plus profondes. Car si les relectures ont à apporter bien d’autres éléments, la première est une façon de défloration, pleine de fraîcheur et dont je ne boude pas le plaisir. Aucun écrivain sait en écrivant qu’il sera lu comme un classique, c’est-à-dire comme un auteur dont on connaît déjà les histoires, ressassées, adaptées mille fois au cinéma, étudiées et réétudiées par des générations d’élèves et de petits bouquins à bachotage pas chers, dépecées et ramassées en trois lignes dans d’illustres dictionnaires et encyclopédies pour une culture générale à peu de frais. L’auteur, avant tout, veut qu’on découvre son histoire. On peut évidemment faire des nuances entre un roman policier et un roman psychologique, où les enjeux et le rôle de l’intrigue n’ont pas la même importance. Quand j’ai lu, assez jeune, « Le Diable au corps », c’était pour le seul effet du titre : je ne savais rien de l’histoire pourtant célèbre, du scandale autour de sa sortie, de Radiguet, de sa jeunesse et de sa mort prématurée. Rien ne m’a empêché de connaître cela peu après. La lecture que j’en fis, encore vierge de tout savoir, m’a donné une impression non dénaturée par ce qu’il fallait en penser, et, précisément, tout ce que j’appris autour de ce livre après l’avoir lu m’invita à le relire, avec un autre plaisir. C’est une chance de découvrir un grand auteur comme on le découvrit à sa première œuvre, quand il avait encore toutes ses preuves à donner et que personne encore ne le connaissait.

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