Coyote attend de Tony Hillerman
( Coyote waits)
Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers
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« Coyote est toujours là, dehors, à attendre, et Coyote a toujours faim ».
Un membre de la police tribale navajo a été tué. Son meurtrier présumé a été arrêté peu après, titubant sur la route, ivre, le pistolet glissé dans son dos. Hosteen Pinto, vénérable vieillard, mémoire des mythes de son peuple pour le compte d'honorables universitaires, n'a dit que quelques mots, sa honte. Depuis, il se tait. Son jugement va bientôt commencer.
Ce dixième volet de la série des policiers navajos de Tony Hillerman voit un Jim Chee meurtri dans sa chair - sa main brûlée alors qu'il arrachait son collègue blessé de son véhicule en flammes retrouvera-t-elle sa dextérité - et dans son travail - il a failli à son devoir ce soir-là, et à l'intention de donner sa démission, une fois le procès achevé. Un Jim Chee en convalescence, et que le retour de Janet Pete conduit à s'intéresser à une affaire un peu "facile" du FBI, conduit à se poser de plus en plus de questions sur la culpabilité de celui qu'il a arrêté.
L'intérêt de Joe Leaphorn émane lui aussi d'une sorte de culpabilité, ou plutôt d'une volonté de se rattacher à son épouse décédée depuis peu. Un membre de la famille de Pinto vient le trouver, convaincu de l'innocence de son parent. Les liens de clans lient Pinto à la famille de la défunte Emma. Puis, certains points n'ayant pas été éclaircis par l'enquête officielle, Leaphorn se montre de plus en plus intéressé.
Comme dans les volets précédents, Hillerman mêle avec talent une intrigue policière née du monde même qu'il esquisse avec tendresse et humanité. Il donne au lecteur la sensation des espaces qu'il décrit dans leur aridité et leur démesure, les peignant des couleurs d'une coucher de soleil, les éclairant de la déchirure d'un éclair. Et dans cette immensité si peu peuplée, il dévoile pudiquement la misère de ses navajos demeurant entre leurs montagnes sacrées, vivant dans des lieux grandioses dans une à deux pièces au sol de terre battue, ou dans un mobile-home immobilisé.
Avec ce roman amer, désabusé, Hillerman transcende ses personnages, leurs limites et leurs mesquineries, leurs manies, par l'ampleur de l'espace au sein duquel ils évoluent, atteignant l'harmonie, celle-là même que recherchent les navajos.
Les éditions
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Coyote attend [Texte imprimé] Tony Hillerman trad. de l'américain par Danièle et Pierre Bondil
de Hillerman, Tony Bondil, Pierre (Traducteur) Bondil, Danièle (Traducteur)
Payot & Rivages / Rivages noir.
ISBN : 9782869305670 ; 2,98 € ; 01/06/1992 ; 272 p. ; Poche
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10ème opus de Tony Hillerman
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 3 avril 2022
Les trois premiers ouvrages constituent la trilogie Joe Leaphorn, les trois suivants la trilogie Jim Chee. Les romans de Tony Hillerman se distinguent par une volonté quasi ethnographique d’informer le lecteur des us et coutumes navajos, des paysages dans lesquels Hopis et Navajos évoluent. Une intrigue policière soutient le corps du roman et Joe Leaphorn comme Jim Chee sont là pour la résoudre.
Pour qui a pu voyager dans ces déserts de la région des « Four corners », la lecture de Tony Hillerman résonne terriblement. Pour ceux qui prépareraient un voyage par là-bas, sa lecture est des plus profitable.
Coyote tient une place bien particulière dans la cosmogonie Navajo, une place maléfique que décrit un proverbe Navajo ; « Coyote est toujours là, dehors, à attendre, et Coyote a toujours faim ».
En l’occurrence Delbert Nez, un collègue de Jim Chee, l’a rencontré Coyote, dans les vastes espaces de la Réserve puisque Jim Chee le retrouve abattu d’une balle et brûlant dans l’incendie de sa voiture de service, au fin fond de la réserve et à proximité d’une formation basaltique qu’un vandale s’acharne à peindre en blanc.
»La Toyota de Janet parvint au sommet de la longue escalade permettant de quitter le bassin de la San Juan, et le sol s’inclina an direction du sud : des terres recouvertes d’une herbe ondulante d’un gris tirant sur le roux avec la ligne noire que faisait la route s’éloignant vers l’horizon comme un trait tracé au tire-ligne. A des kilomètres d’eux vers le sud, le soleil se refléta sur le pare-brise d’un véhicule qui roulait vers le nord : un éclair lumineux. Ship Rock se dressa tel une cathédrale gothique démesurée née des conceptions de l’art moderne, juste sur leur droite, à des kilomètres de distance, mais paraissant très proche. Table Mesa naviguait sur sa mer d’herbes-aux-bisons, appelant pour Chee l’image du porte-avions suprême. De l’autre côté de la route, juste en face, les rayons rasants du soleil illuminaient la silhouette noire déchiquetée de Barber Peak, un cône volcanique aux yeux des géologues, un lieu de rendez-vous pour les sorciers selon les traditions locales.
…/…
- Qu’est-ce qu’il y a là-bas sur ces rochers ? s’enquit-elle en les montrant. Ces marques blanches en haut de ce relief, là-bas.
- C’est ça qui énervait Delbert, répondit Chee avec un petit gloussement. C’est l’œuvre d’art de notre vandale fantomatique. Il y a peut-être six semaines, Delbert avait remarqué que quelqu’un peignait ces formations rocheuses. Il voulait coincer le gaillard en question. »
Et Jim Chee vit très mal la disparition de son collègue en exercice car il avait eu l’opportunité de le rejoindre pour lui prêter main forte mais le ton de la plaisanterie de celui-ci et la mauvaise qualité de la transmission ne l’avait pas alerté plus que ça. Et maintenant il vivait avec ce remords et ce sentiment de culpabilité.
Tout blessé qu’il est (il s’est sérieusement brûlé les bras en sortant Delbert Nez de sa voiture en feu), il va néanmoins enquêter pour son propre compte, pas persuadé qu’il est que Ashine Pinto, un vieillard ivre et porteur de l’arme qui a tué Delbert, et que Chee a retrouvé errant, ivre, à pied, loin de toute communauté, alors qu’il partait chercher du secours, est réellement coupable. Ou du moins ne voit-il aucune motivation ou explication à ce geste.
De son côté – et c’est un grand classique des polars de Tony Hillerman cette manière de faire progresser l’enquête par deux bouts différents – Joe Leaphorn a reçu la visite de Mary Keeyani, la nièce d’Ashine Pinto, accompagnée de la chercheuse en mythologie Louise Bourebonette (première apparition mais qui jouera un rôle récurrent dans les épisodes suivants), pour le supplier de reprendre à son compte l’enquête bâclée par le FBI tant la culpabilité du vieux Pinto est accablante. Il se trouve que Joe Leaphorn est apparenté à cette nièce via le clan auquel appartenait Emma, sa femme dont la mort n’est toujours pas digérée, et que la conduite et les motivations de Louise Bourebonette l’intriguent. Il va donc essayer de comprendre comment un vieillard de quatre-vingts ans a pu se retrouver à trois cents kilomètres de piste de chez lui, avec un pistolet et une bouteille de whisky …
Enquête d’un grand classicisme et pas tordue pour un sou, l’occasion une fois de plus pour Tony Hillerman de nous immerger dans ces étendues désertiques entre Arizona, Nouveau Mexique, Utah et Colorado et de nous initier à cette culture Navajo.
Un bonheur de lecture.
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