L'homme et lui-même de Graham Greene

L'homme et lui-même de Graham Greene
(The Man Within)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 25 août 2008 (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans)
La note : 8 étoiles
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Naissance d’une conscience morale

Titre particulièrement bien choisi par Graham Greene qui pratique ici l’introspection intensive ! Son personnage principal s’examine tellement à la loupe que ses défauts en ressortent grossis. Francis Andrews vient de trahir ses collègues contrebandiers au moyen d’une lettre anonyme. La bande est arrêtée, sauf le chef et ami d’Andrews : Carlyon. Ce dernier recherche activement Andrews qui s’enfuit dans la campagne et finit par atterrir, complètement éreinté et vert de peur chez une jeune femme qui accepte de lui fournir un abri pour la nuit. Andrews se dévalorise tant à ses propres yeux qu’en comparaison, cela ne fait qu’accentuer la pureté de cette femme. Andrews se torture avec des questions d’ordre moral, se juge lâche et de peu d’intérêt. Elisabeth écoute l’histoire de cet homme qui se destinait à une fuite interminable, cet homme constamment tiraillé entre le bien et le mal. Elle le pousse à aller témoigner contre les contrebandiers lors du procès qui s’ouvre le lendemain : sans son intervention, aucune chance de condamnation. Mais pour Andrews, aller témoigner à visage découvert signifie la mort. Carlyon se vengera peut-être, sans oublier la possibilité que ces hommes soient innocentés… Que fera Andrews ? Ecoutera-t-il sa couardise qui fut son guide principal jusqu’à sa rencontre avec Elisabeth, ou, séduit par la jeune femme, se laissera-t-il convaincre que son âme n’est pas perdue ?

Perte ou rédemption ? Lâcheté ou courage ? Ce thème, central dans l’œuvre de Greene, est ici décliné en permanence. On a l’impression d’assister à la naissance de la conscience morale chez un individu. Greene nous plonge dans les méandres de son personnage, nous suivons ses pensées, ses allers-retours pas à pas : tantôt il risque de se perdre dans cette auto dévalorisation excessive, tantôt il se ressaisit dans un sursaut salvateur. Sa conscience est un véritable champ de bataille, ses pensées contradictoires s’entrechoquent et le laissent pantelant. On voudrait que tout se termine bien pour Andrews et Elisabeth, mais très rapidement, on sent qu’une fin heureuse serait en décalage par rapport au reste. Et en effet, toute la virtuosité d’écriture de Greene nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne, le drame revêtant une forme surprenante…

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