Le Feu, journal d'une escouade de Henri Barbusse

Le Feu, journal d'une escouade de Henri Barbusse

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Farfalone, le 14 octobre 2009 (Annecy, Inscrit le 13 octobre 2009, 56 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 305ème position).
Visites : 5 784 

Est-ce ainsi que les hommes vivent?

Roman (mais est-ce un roman ou un témoignage?) fragmentaire, composé en 24 chapitres qui sont autant de tableaux de la vie des tranchées, LE FEU vaut plus par son côté "croqué sur le vif" que par sa construction narrative . L'heureuse association, dans l'édition folio plus, de cette non-épopée avec le triptyque d'Otto Dix "La Guerre" en souligne le côté saisissant.

C'est la vie des tranchées, long et morne tissu de peurs déchiré parfois par la chute d'une marmite ou par une série d'explosions de shrapnels, mais la vie des tranchées DITE et non pas narrée par ceux qui vivent là en sursis. Le temps de l'attente, le temps du passé recomposé sans cesse pour vouloir continuer à croire que l'on est encore vivant, le temps du futur sont dits et non racontés, par ceux qui le vivent. Mais le vivent-ils ce temps, ces hommes en sursis? Pour le vivre il n'ont en tout cas et pour tout moyen que cette parole qui fait l'essentiel de ce livre, seule témoin de ce qu'ils sont et que le narrateur Barbusse (homme engagé s'il en fut) rapporte dans ce "roman" qui "dénonce" l'horreur de la civilisation mécanique qui trouva dans ces champs (d'honneur ou d'horreur?) un terrain d'expérimentation étendu par la suite à la terre entière. Champ exploré plus tard par Céline.

Pauvres hommes dépossédés de leur humanité par ceux qui auront, eux, les mots pour dire (à leur place) leur héroïsme, leur gloire éternelle et leur sacrifice qu'ils graveront -les salauds- dans le marbre et le grès (selon le montant des fonds récoltés par la souscription) des Monuments aux Morts. Et époussetteront dans les commémorations annuelles et officielles.

Ceux-là, les salauds qui resteront toujours à l'abri du dilemme suivant: "suis-je encore un homme, lorsqu'on me remet avant une attaque un couteau de cuisine, parce que dans l'étroitesse de la tranchée allemande c'est plus pratique pour le "nettoyage", plus pratique que le lebel rallongé par la baïonnette?"

"Nous ne sommes pas des soldats, nous, nous sommes des hommes..." dit pourtant l'un d'eux: mais l'instinct de survie fait que l'on prend le couteau. Parce qu'il faut vivre, vivre malgré tout et tant pis pour celui d'en face, un type comme moi pourtant.

"Nous sommes des hommes..." Pas pour longtemps: le XXème siècle allait réaliser toutes les promesses du triomphant XIXè. Vive le progrès!

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LA GRANDE GUERRE : UNE RADIOGRAPHIE

10 étoiles

Critique de TRIEB (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans) - 4 septembre 2024

Le Feu a été écrit en 1916, lorsque Henri Barbusse, engagé comme soldat d’escouade , puis comme brancardier, a été évacué dans les hôpitaux. Publié en novembre 1916, il remporte le prix Goncourt, en pleine guerre. Il est perçu par ses contemporains comme un chef-d’œuvre de la littérature de guerre. A la lecture de ce récit, le lecteur acquiert d’emblée l’impression que c’est une véritable radiographie de la guerre que nous délivre Henri Barbusse. Qui sont ces poilus, d’où viennent-ils, de quels milieux, de quelle tranche d’âge ? Nous sommes fixés dès le début : « Nos âges ? Nous avons tous les âges. Il y a, côte à côte, trois générations qui sont là, à vivre, à attendre, à s’immobiliser, comme des statues informes, comme des bornes. » Ce sont plutôt les classes populaires qui sont mobilisées, prêtes à être sacrifiées sur le front : « Un peu de tout dans le tas (…) Avant de venir enfouir sa destinée dans des taupinières, qu’étions-nous ? Laboureurs et ouvriers pour la plupart. » « Pas de profession libérale pour ceux qui m’entourent. »
C’est l’horreur, la cruauté, la peur qui sont bien sûr les éléments majoritaires de cette évocation. Mais Henri Barbusse soulève aussi des questions essentielles : comment la guerre transforme-t-elle les combattants ? Est-elle fatale ou évitable ? Peut-on la surmonter ? On sait que les survivants de ce conflit qui s’étaient convertis au pacifisme des années vingt l’ont surnommée « la der des der », espérant, hélas à tort, qu’elle serait la dernière dans l’histoire du continent européen.
Les combattants décrits par Henri Barbusse restent des hommes envers et contre tout : « Ce ne sont pas des soldats : ce sont des hommes. Ce ne sont pas des aventuriers, des guerriers, faits pour la boucherie humaine -bouchers ou bétail. Ce sont des laboureurs et des ouvriers qu’on reconnaît dans leurs uniformes ; Ce sont des civils déracinés. »
Le grand mérite du récit d’Henri Barbusse est de restituer l’horreur du conflit, de rappeler ce degré de barbarie que peut atteindre l’humanité en guerre ; il est aussi de faire entrevoir au lecteur qu’un autre monde est possible : « L’œuvre de l’avenir sera d’effacer ce présent-ci, et de l’effacer plus encore qu’on ne pense, de l’effacer comme quelque chose d’abominable et de honteux. Et pourtant, ce présent, il le fallait ! IL le fallait ! »
On pense évidemment au roman d’Erich Maria Remarque À l’ouest, rien de nouveau, écrit du côté allemand à propos de ceux de 14-18 et aussi à Orages d’acier d’Ernst Jünger, à titre de comparaison. L’ouvrage a fait date dans l’histoire de la littérature de guerre et dans celle du courant pacifiste, ce n’est pas la moindre de ses qualités multiples.

La vie des poilus

7 étoiles

Critique de Kabuto (Craponne, Inscrit le 10 août 2010, 64 ans) - 5 février 2023

Une plongée dans l’enfer des tranchées de la Grande guerre. Henri Barbusse a vécu l’horreur de voir ses compagnons fauchés par les obus, la faim, le froid et les conditions inhumaines que l’on a fait subir aux soldats. Un poignant témoignage de la folie des hommes raconté à hauteur de poilus.

Une lecture éprouvante

7 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 31 juillet 2018

Lecture éprouvante que ce Feu : Henri Barbusse nous y décrit avec une précision clinique, un lyrisme austère, la grande boucherie des tranchées, les corps découpés, les chairs tuméfiées, les âmes brisées des soldats face à l’enfer de la mitraille et à la mort qui peut frapper à tout moment d’une balle ennemie. Dans un style remarquable. Henri Barbusse y distille son engagement politique pour le pacifisme, sa haine de la guerre et son humanisme.

Le scénario est a minima, ce qui nuit parfois il est vrai au rythme du récit. Mais le roman tient en fait surtout de la chronique quotidienne d’un régiment, d’un journal de bord fait aussi bien des longues journées d’attente de la troupe confinant à l’ennui que du chaos des combats. Les extraits de ses carnets de guerre (présents dans l'édition Gallimard de 1965), où Henri Barbusse a pris des notes sur le vif alors qu’il était engagé sur le front au sein d’un régiment d’infanterie, viennent quant à eux documenter de façon très intéressante la genèse du roman :à mi-chemin entre le reportage de guerre et sa mise en fiction, le Feu ne serait-il pas d’ailleurs un bel exemple de Littérature du réel ?

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