La Peur de Stefan Zweig
(Angst)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Nouvelles
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Le tourbillon des sens !
Cette nouvelle, écrite en 1913, est comme toutes les autres de cet auteur que j'ai déjà eu la joie de lire, un grand classique pour l'époque. On imagine très bien les personnages, les dames à ombrelles et les messieurs à redingote, campés dans leur costume de ce début du vingtième siècle et déambulant dans les rues non encore polluées par les voitures. L’ambiance est là et bien là, Stefan Zweig sait la rendre !
L'histoire est malheureusement classique, une femme, un mari, deux enfants et un grand ennui général qui englobe tout cela, qui les tient serrés dans ses rets. Un mari, juge d'instruction, qui travaille beaucoup, des enfants pas forcément difficiles mais qui peuvent aisément le devenir et la sauce prend, le coup de griffe de l’adultère entame la chair !
Mais là où le virtuose de Zweig prend toute sa splendeur, c’est dans la façon bien particulière qu'il a de nous présenter la lente descente aux enfers de la femme qui subit les affres de « La Peur » suite au chantage d'une fille de rien qui l'a vue descendre de chez son amant et qui lui extorque Louis, Doublons et autres Shillings pour prix de son silence.
Au-dessus de tout cela, le mari, aimant, qui tente de comprendre pourquoi sa femme fait des cauchemars, crie sur les gosses et sur le petit personnel (très aube du siècle cette formule !) sans raison, pourquoi elle sursaute au moindre coup de sonnette… Et il n'est pas bête le mari, il n’est pas bête du tout : « On venait de punir un voleur pour une escroquerie qu’il avait commise trois ans auparavant ; c’était à son avis une injustice, car au bout de trois ans ce crime n’était plus le sien. On punissait un autre homme, et en plus on le punissait deux fois parce qu'il avait déjà passé trois ans dans le cachot de sa propre peur, dans l’inquiétude permanente que sa culpabilité ne fût prouvée. » et autre phrase du même ordre sont maintes fois répétées à sa femme dans la quête de la vérité…
Et toujours ce chantage obscène… Et toujours cette peur qui monte… Et toujours l'angoisse qui va crescendo. Et toujours, « parlera-t-elle ou non ? ». Diable, comment cela finira-t-il ?
Quant au revirement final, il est, ma foi, tout simplement grandiose !!!
Les éditions
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La peur [Texte imprimé] Stefan Zweig trad. de l'allemand par Alzir Hella
de Zweig, Stefan Hella, Alzir (Traducteur)
le Livre de poche / Le Livre de poche
ISBN : 9782253153702 ; 5,70 € ; 04/11/2002 ; 250 p. ; Poche -
La peur [Texte imprimé] Stefan Zweig trad. de l'allemand par Alzir Hella
de Zweig, Stefan Hella, Alzir (Traducteur)
B. Grasset / Les Cahiers rouges (Paris. 1983)
ISBN : 9782246347231 ; 8,55 € ; 18/04/2002 ; 227 p. ; Reliure inconnue
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Les critiques éclairs (12)
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6 nouvelles
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 23 novembre 2021
Il y a pour chacune de ces nouvelles une volonté évidente de surprendre, de trouver un biais inattendu, pour autant j’ai trouvé l’ensemble assez « daté ». Peut-être parce que j’avais déjà lu ce recueil des années auparavant et que le souvenir de chaque chute me remontait en mémoire bien avant la fin et que l’effet de surprise était ruiné ? Ca reste néanmoins Stefan Zweig, un des plus pertinents observateurs de l’âme humaine.
La peurUne femme, de la bourgeoisie allemande, qui s’embête un peu dans son couple, a un amant et se trouve aux prises avec une tentative de chantage de la part de la revendiquée ex de l’amant. La peur d’Irène est disséquée par Stefan Zweig de manière tout à fait convaincante mais la chute, originale pour le moins, amoindrit à mon sens l’ensemble.
Révélation inattendue d’un métierLe métier en question est lui-même inattendu, c’est celui de … pickpocket ! Il est repéré en plein ouvrage par un observateur de passage à Paris, installé à une terrasse qui a du temps à perdre. Celui-ci veut en savoir plus et suit notre homme …
LeporellaLeporella est le surnom donné à Crescence, villageoise autrichienne sans réelle éducation et qui gagne sa vie comme domestique, acharnée au travail et dévouée potentiellement à un point … ! Ce que va nous démontrer Stefan Zweig dans cette nouvelle, une des plus fortes du recueil avec le titre éponyme.
La femme et le paysageMoins touchante (aux sens premier et figuré) parce que plus alambiquée ? Période de canicule et d’orages qui dérègle les sens dans cette haute vallée du Tyrol autrichien. Un homme, une jeune femme …
Le bouquiniste MendelPréfiguration de l’apogée nazie dans le début des années 1940 (les nouvelles sont publiées la première fois en 1925), le bouquiniste Mendel est un juif, érudit à sa manière, à qui il arrive bien des misères. Le genre de misères qui peuvent vous arriver lorsque vous êtes déconnectés du monde réel et que vous ne suivez pas les évolutions, hélas pas toujours heureuses, dudit monde.
La collection invisibleInvisible aux yeux, pas au cœur. Illustration.
Un régal de lecture
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 13 décembre 2019
Un régal !
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans) - 13 septembre 2018
Dans "La peur", une femme est rongée par le remords de tromper son époux et a sans cesse peur que cela se sache. Cette souffrance est accrue par l'intervention d'une tierce personne.
Dans "Révélation inattendue d'un métier", le narrateur est fasciné étrangement par les activités d'un homme dont je tairai le métier.
Dans "Leporella", une femme de chambre est prête à tout pour faire plaisir au maître de maison.
Dans "La femme et le paysage", la chaleur accablante est en accord avec cette jeune fille qui perd conscience. Il y a une certaine charge érotique dans cette nouvelle superbement écrite. Une réussite !
Dans "Le bouquiniste Mendel", ce personnage cité dans le titre siège dans un café et est une véritable mémoire littéraire, une référence pour tous, jusqu'au jour où il n'est plus.
Dans "La collection invisible", un célèbre antiquaire de Berlin rend visite à un grand collectionneur. Il ne sera pas au bout de ses surprises.
Toutes les nouvelles sont réussies. Elles sont toutes marquantes, fortes et touchantes. Stefan Zweig parvient en quelques pages à donner naissance à des situations et à des personnages que le lecteur ne devrait pas oublier. Ces nouvelles nous immergent dans des atmosphères ancrées dans des périodes clairement identifiables. Quand on termine la lecture de ses nouvelles, l'on a l'impression d'avoir partagé des centaines de pages avec ses personnages. Il est étonnant de voir combien il donne vie à ses protagonistes en si peu de lignes. Zweig parvient à peindre les âmes comme nul autre. Il n'y a aucune fausse note. Il nous touche et nous amuse parfois. Ce recueil est vraiment réussi.
L'écriture de Stefan Zweig est très belle. Les métaphores sont omniprésentes et donnent de la force à sa prose. On prend vraiment plaisir à lire ces textes, très différents les uns des autres et pleinement maîtrisés.
Le maître de la psychologie
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 26 mars 2017
Malaise perceptible
Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 18 août 2013
"La femme et le paysage" m'a particulièrement troublée... Cette attente interminable de l'orage, qui apporterait la pluie et la fraîcheur, dans cette atmosphère étouffante... J'ai apprécié l'écriture de cette nouvelle, la description de ce moment d'une tension extrême et les images de ce paysage et de cette nature à laquelle le protagoniste se confond.
La première, "La peur", montre la triste déchéance de la femme adultère.
"La révélation inattendue d'un métier" joue moins sur le sentiment. C'est plutôt une analyse du personnage, de son savoir-faire, la peur étant indissociable de son activité, par défaut...
"Leporella", "Le bouquiniste Mendel" et la "Collection invisible" parlent de la dévotion, l'une à son Maître, le second aux Livres, et le dernier à l'Art...
Un recueil de nouvelles à lire, pour voir à nouveau Stefan Zweig analyser l'âme humaine, et s'offrir quelques frissons...
Au-delà du talent, au-delà du génie...
Critique de Provisette1 (, Inscrite le 7 mai 2013, 12 ans) - 16 juillet 2013
Comment pouvoir dire ces émotions d'une si exceptionnelle, si rare intensité qu'elles nous transfigurent, nous laissent comme stupéfiés, béats, en apesanteur?
Oui, comment?
Comment quand l'histoire du bouquiniste Mendel ou du collectionneur vous émeuvent aux larmes par leur humanité profonde?
Zweig écrit à la fin d'une de ces nouvelles: "...je sais que les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l'ennemi le plus implacable de toute vie, l'oubli."
Zweig: un "trésor" inestimable.
Mon soleil littéraire, quelle que soit la couleur de la nuit.
Un coup de maître
Critique de Nb (Avion, Inscrit le 27 août 2009, 40 ans) - 18 octobre 2011
La nouvelle titre "La Peur", est sans doute la plus marquante. Stefan Zweig nous y décrit les sentiments éprouvés par une bourgeoise viennoise, terrifiée à l'idée que son mari apprenne qu'elle a un amant. Si le thème n'est pas particulièrement original, la plume de l'auteur retranscrit parfaitement les états d'âme d'Irène et pointe ses faiblesses de façon remarquable.
"Leporella" et "La collection invisible" m'ont aussi particulièrement fasciné, de par le caractère singulier des protagonistes. La servante dévouée, le collectionneur passionné, sont profondément touchants, et leurs défauts ne les rendent que plus humains.
Un petit bémol serait pour la "Révélation inattendue d'un métier", que je n'ai pas su apprécier; j'ai trouvé moins de profondeur dans les personnages.
Cela dit, je conseille bien évidemment la lecture de ce recueil fascinant.
Exceptionnel !
Critique de Tameine (Lyon, Inscrite le 9 juin 2008, 59 ans) - 23 août 2011
Une excellente maîtrise de la psychologie
Critique de Le café de... (Perpignan - Bordeaux, Inscrite le 17 août 2008, 40 ans) - 29 décembre 2008
Une fois de plus, Stefan Zweig sublime les dialogues psychiques de ses personnages, les dépeint de façon terriblement réaliste, faisant succéder les sentiments de la culpabilité face à la faute cachée.
Vibrant d'humanisme
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 8 juin 2008
La voix de l'étrangère
Critique de Seby1689 (, Inscrit le 24 février 2007, 43 ans) - 24 février 2007
Les deux rôles demeurent distincts et n'entraînent pas de difficultés. La culpabilité n'est pas là au début. Dès le commencement de l'histoire, Irène croit normal d'avoir un amant car c'est une chose habituelle chez ses amies. Selon elle, cette affaire n'est rien qu'un plaisir insignifiant qui ne met pas en doute son amour pour son mari. Tout est bien tranquille jusqu'à ce qu'une étrangère surgisse qui la force à se confronter au conflit entre ses deux rôles de femme au foyer et adultère.
Après que l'étrangère menace Irène de révéler son infidélité à son mari, elle s'efforce de l'ignorer. Mais Irène ne peut pas s'arrêter d'y penser. La voix de l'étrangère qui l'accuse d'être légère fait écho dans ses pensées malgré sa résolution de croire qu'elle n'ait pas commis une injustice. Irène s'assujettit à cette voix de l'étrangère car elle ne cesse pas de parler dans sa tête.
Sous la pression de cette voix, Irène perd son point de vue initial et commence peu à peu à éprouver des remords d'être injuste envers son mari. Après avoir été accusée sans relâche par la maître-chanteuse, Irène finit par croire qu'elle ne mérite plus l'amour de son mari. Elle évite son regard, se crispe, et se tend en sa présence. Pendant la nuit, elle tremble avant de s'endormir et se réveille en sueur parce qu'elle a fait des cauchemars.
Tout à fait comme Freud, son contemporain Viennois, Zweig comprenait bien le pouvoir hypnotisant de la manipulation émotionnelle de renforcer les moeurs vieilles et d'annuler la confiance des gens qui en dépassaient les limites.
Toute la force de Zweig
Critique de Oxymore (Nantes, Inscrit le 25 mars 2005, 52 ans) - 12 juillet 2005
Cet ouvrage n'est pas le plus connu de Stefan Zweig, pourtant il mérite une attention particulière au travers des six nouvelles proposées.
La peur tout d'abord, nous entraine au plus profond des angoisses d'une femme qui a commis l'adultère et qui se voit contrainte de payer une femme pour lui acheter son silence. L'épilogue est étonnant et contient un beau message d'amour.
La révélation inattendue d'un métier raconte la fascination que suscite à un témoin oculaire la curieuse occupation d'un homme aperçu dans un quartier parisien. Clochard ? Détective ? Non cet homme se révèle être un pickpocket et notre témoin-narrateur va suivre, tracer, épier dans tous les recoins cet homme jusqu'à en éprouver une sympathie réelle.
Leporella retrace la véritable dévotion d'une ancillaire envers son patron, comte Autrichien qui déteste sa femme avec diplomatie et fatalité. Austère, étique et renfermée notre chère servante va rendre un sacré service (du moins le croit-elle) au comte et sceller l'épilogue de cette nouvelle qui sonne comme un Zola ou un Balzac.
La femme et le paysage est un hymne à l'amour et à la nature, les deux étant constamment placés (implicitement) sur un même plan ici. Zweig décrit à merveille cette nature qui gronde, ces feuilles qui courent, ces nuages qui crèvent et enfin cette chaleur qui n'en finit pas. Les mots sont justes, précis et donnent une puissance réelle à cette nouvelle qui prend la consistance d'un roman.
Le bouquiniste Mendel c'est ce petit homme juif qui depuis trente ans s'assied chaque jour à la table du café Gluck à Vienne pour faire l'inventaire et donner les références d'une multitude de livres. Doté d'une mémoire exceptionnelle, Mendel n'a nul besoin de papier ou de notes, son cerveau emmagasinant le tout de façon titanesque. Désireux de peu, Mendel ne vit qu'au travers de ses livres jusqu'au jour où des gendarmes viennent le chercher pour le mener au camp. La singularité de son destin le ramènera au café Gluck mais.... la mémoire des hommes est courte, le temps passe et le souvenir s'évanouit. Zweig s'attache ici à nous montrer combien les livres sont importants et détiennent les clés de toutes les .... histoires, si petites soient-elles.
La collection invisible enfin nous transporte dans une bourgade autrichienne où un homme vient rencontrer un vieux collectionneur d'estampes devenu aveugle. Ce dernier va présenter une bien étrange collection à son visiteur et nous prouver à quel point la passion maintient tendu quelquefois le minuscule fil de la vie. Cette dernière nouvelle est très touchante et reflète la puissance de Zweig, sa propension a donner à l'homme toute sa force, à en ressortir toute sa bonté mais aussi toute sa faiblesse.
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