Hue, dada ! de San-Antonio
Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers
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San-Antonio en Irlande
San-Antonio et son complice Bérurier recherchent un truand irlandais pure souche caché parmi les siens pour échapper à la Mafia. Pourquoi la fille de l’individu poursuivi radine-t-elle dans la chambre d’hôtel de San-Antonio pour y récupérer sa petite culotte ? Pourquoi est-elle ensuite kidnappée ? Pourquoi veut-on marquer notre policier au fer rouge ? Pourquoi un inspecteur de police local est abattu sous les yeux de nos deux français ? Quel rapport y-a-t-il entre un prêtre mourant qui a quitté son monastère et l’affaire qui nous intéresse ? Qui sont ces mystérieux tueurs qui sèment des cadavres derrière eux tout le long du livre (dont plusieurs dans une salle à manger devenue pour la circonstance une « salle à mourir » sous la plume de Frédéric Dard) ?
Une fois de plus, après une courte période de flottement dans la progression de l’intrigue (compensée par le style coloré de l’auteur), le hasard fait (trop bien) les choses. Je veux bien que l’Irlande soit une île où tout le monde se connaît mais à ce point…
L’Irlande, ce n’est pas trop son truc à San-Antonio. Les paysages irlandais : « ça respire le calme inexpugnable, la sérénité tombale. » La nourriture : « On bouffe du poisson qui a goût de mazout, plus autre chose que je saurai jamais dont il retourne, sauf que c’est pas assez cuit s’il s’agit de pommes de terre, et beaucoup trop si c’est de la merde. » Heureusement, il y a le whiskey pour faire passer tout ça.
L’auteur en profite pour se moquer gentiment des anglo-saxons (« Les anglophones, tu remarqueras, qu’ils soient ricains, rosbifs, irlandoches ou australiens, éprouvent le besoin de foutre des « Heu » dans chacune de leurs phrases, et parfois même d’en mettre plusieurs, comme si les mots leur manquaient. » etc.).
Bien sûr, ce roman ne serait pas un San-Antonio digne de ce nom sans son vocabulaire argotique, ses jeux de mots et ses inventions linguistiques : « L’instinct de conversation me fait déboucher la quille de roteux. » ; « La gentille servante à bec-de-lièvre et de tortue… » ; « Il rallie (de Monte-Carlo) » ; « Et je te la livre in extenso (grenue). » ; « La couine Elisabeth » ; « œuf corse » pour of course ; « spiqueur » pour speaker etc. Frédéric Dard pose toujours un regard critique sur ses semblables telle cette comparaison homme/vers de terre (« Ils sont aussi visqueux l’un que l’autre, sauf que l’homme, lui, c’est de l’intérieur. »). N’oublions pas également les digressions succulentes de l’auteur comme celle liée au poste de président de la République française (nous sommes sous Giscard d’Estaing) ou encore celle sur « La Marseillaise » (« l’étang, dard, sans gland élevé ») que l’on peut chanter en toute circonstance contrairement à l’ultra-pompeux et quasi-religieux « God save the King » (« Le goût suave du singe » dixit Béru). Enfin, le héros-narrateur s’adresse fréquemment au lecteur en le taquinant sur ses capacités intellectuelles ou sexuelles.
Généralement dans les San-Antonio la déconnade prend le pas sur l’intrigue. Si c’est encore le cas ici ; la fin de l'aventure s'avère attrayante et d’un exotisme surprenant. Car le dada du titre n’est pas l’animal auquel on pense…
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