Le bastion des larmes de Abdellah Taïa
Catégorie(s) : Littérature => Francophone

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Un très beau roman
Fraichement sorti pour cette rentrée littéraire 2024, ce roman d’Abdellah Taïa est fort, intelligent et repose sur une écriture travaillée et d’une qualité constante. Youssef repart au Maroc afin de vendre une maison dont il a hérité à la mort de sa mère sous la pression de la fratrie. Il ressent des difficultés à se séparer de cet endroit que sa mère a mis du temps à concevoir, comme si cet acte était irrespectueux ou une façon de s’éloigner encore plus de la mère défunte. Mais ce voyage va lui rappeler surtout un amour de jeunesse avec Najib. Celui-ci apparaît dans ses rêves et lui parle, ressassant certains souvenirs et évoquant clairement la condition des gays au Maroc. Ce voyage au Maroc est un voyage dans le passé, dans les pensées des personnes que Youssef a connues, un voyage peut-être qui permet de clore certaines histoires et de verbaliser ce qui n’avait sans doute pas été dit jusqu’à présent.
C’est vraiment un beau roman que nous offre Abdellah Taïa. L’écriture est belle, parfois poétique, parfois crue. Les chapitres se lisent avec plaisir car ils possèdent une force narrative solide. Parfois des dialogues s’immiscent dans ces chapitres, sans forcément que les personnages soient ensemble. Ce lien affectif, presque magique, quasi rêvé, souligne les liens forts qui unissent ces individus. Il n’y a pas de naïveté dans les romans d’Abdellah Taïa et les personnages ne sont pas manichéens. Il y a de la beauté en chacun d’eux. Tous sont francs, se disent clairement ce qu’ils pensent et il y a quelque chose de méridional qui se dégage des relations humaines. Il y a ce frère qui est parti vivre en Suède avec sa copine et qui ne donne plus de nouvelles, il y a Najib dont tout le monde se moquait dans son enfance parce qu’il est gay et qui est désormais quelqu’un de redouté. Si l’on se fie aux points communs entre les romans d’Abdellah Taïa, le lecteur a l’impression que certains éléments sont empruntés à la réalité.
L’homosexualité occupe une place importante dans ce roman qui peut sembler engagé à plusieurs égards. Le statut du gay au Maroc est décrit de façon explicite. Le lecteur est confronté aux brimades et aux violences qu’on leur inflige. De façon récurrente dans ses romans, sont évoqués ces garçons efféminés qui sont violés régulièrement par des adultes en manque de vie sexuelle. « Le Bastion des larmes » est un roman, mais la dénonciation transparaît tout de même par le simple fait d’énoncer les faits. L’auteur évoque ces agressions clairement comme des actes présents dans la société marocaine qui ferme les yeux sur ces points.
La ville de Salé est un personnage à part entière qui semble définir les personnages, les constituer et leur offrir un terrain de jeu. Le Bastion des Larmes a son histoire qui est contée dans le roman et le lieu nourrit la scène du roman concernée. Le roman se révèle touchant parfois, beau à certains moments, cruels à d’autres. Et il y a des moments où l’on rit. Je pense à une scène en particulier qui est tellement inattendue. En fermant « Le Bastion des larmes », le lecteur est encore habité par les personnages et certaines scènes flottent encore dans notre esprit. Ce roman est fort et mérite d’être repéré parmi les nombreux romans qui paraissent actuellement.
Les éditions
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Le bastion des larmes
de Taïa, Abdellah
Julliard
ISBN : 9782260056515 ; 21,00 € ; 22/08/2024 ; 224 p. ; Broché
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tendre et réaliste

Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 77 ans) - 10 avril 2025
Youssef , professeur marocain habitant en France depuis 25 ans retourne à Salé sa ville natale à la demande de ses six sœurs.
Leur mère étant décédée, il doit mettre en vente la maison familiale.
Youssef se rappelle de son enfance, des joies, des moments agréables passés avec ses sœurs mais aussi de tout ce qu’il a subi .
Homosexuel, il a été banni par les autres et aussi frappé, violé par plusieurs hommes à la fois.
Ses sœurs n’ont jamais été méchantes avec lui mais jamais ne l’ont protégé.
Que penser de tout cela ?
Son meilleur ami, ancien amoureux Najib qui a connu encore pire a décidé de se venger.
Devenu riche, protégé d’un colonel de l’armée, homosexuel lui aussi, il décide à la mort de son compagnon, militaire et trafiquant de drogue de revenir au pays et de se venger.
Tous ceux qui l’ont fait souffrir lui mangent dans la main.
Il a prévu sa fin et la vengeance qui frappera tous ces hypocrites.
L’auteur réussit à écrire un véritable roman qui ressemble à un conte sociologique. La société marocaine est décrite avec toutes ses facettes : l’amitié, la fraternité et l’obscurantisme.
Youssef se rappelle avec émotion des jeux de son enfance et de ses sœurs pleines de vie et d’espérances. Elles étaient gaies, heureuses, pleines d’envies et de projets.
Aujourd’hui, mariées, elles sont confinées et « soumises » à leur mai.
Ses sœurs magnifiques lors de leur enfance lui manquent. Il aimerait renouer les liens. Est-ce possible ?
Jean-François Chalot
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