@Feint : dans toute la liste des éditeurs que tu as cités, il me semble que tu omets les plus "grands" chez les "petits" : Tarabuste, Arfuyen, Rougerie, etc. On pourrait aussi citer Obsidiane, Phi, L'armourier, Jacques Bremond, Alcyone, etc. En fait, il y a pas mal d'éditeurs ! Même L'Harmattan a publié, mais souvent noyés dans l'immensité de tout ce qu'il publie, des recueils vraiment intéressants.Ah oui en effet - en fait je n'ai cité que ceux présents dans ma bibliothèque, qui sont des éditeurs moins "historiques" (moins anciens, quoi).
Le cas de l'Harmattan est particulier : ce n'est pas un éditeur à compte d'éditeur. C'est pourquoi on y trouve à peu près n'importe quoi, et même de très beaux ou très bons textes, très desservis par leur "éditeur".
je trouve ça infiniment pauvre, Rupi Kaur. Très standardisé, très facile, joli comme les petits dessins dont elle accompagne certains de ses textes. C'est un produit bien calibré.Eh bien sans cette discussion, je n'aurais peut-être jamais entendu parler d'elle. Je suis allé lire quelques citations sur Babelio... Eh bien, moi qui bronchais de voir citer Bobin (que j'ai toujours trouvé imbuvable), j'ai été servi. Son apparent succès confirme ce que j'ai toujours pensé des professeurs de français, avant même qu'ils deviennent mes collègues : deux sur trois ne comprennent rien à la littérature.
Je ne peux pas juger du spectacle mais je trouve ça infiniment pauvre, Rupi Kaur. Très standardisé, très facile, joli comme les petits dessins dont elle accompagne certains de ses textes. C'est un produit bien calibré. Je me disais d'ailleurs que peut-être plus encore qu'aux codes du rap, ce genre de poèmes emprunte à ceux de la pub. C'est consensuel, ça nous évoque des univers familiers.
Si parler d'émigration, d'immigration, d'amour filial, des grands groupes de cosmétiques, de viol, de rupture amoure, de racisme, du mal du pays etc etc... C'est consensuel... Alors oui c'est une poésie "consensuelle" !!
C'est dit avec les mots de tout le monde et tout le monde s'y reconnaît plus. C'est "plat comme un trottoir de rue". Des collègues le donnent parfois en lecture cursive pour le bac et les élèves se laissent piéger, le présentent et n'ont au fond rien à en dire (bon, en même temps, ce n'est ni vraiment de leur faute, ni de celle de Rupi Kaur ou de leur prof, mais du nouveau format de l'oral du bac qui a vraiment été très mal pensé, comme à peu près toute la réforme du bac mais on dévie).
Je ne suis absolument pas d'accord à dire que c'est "plat comme un trottoir de rue", et qu'il n'y a rien à en dire... J'en veux pour preuve les très belles critiques présentes sur CL...
Mais bon, on ne va pas en faire un plat, nous pouvons très bien nous accorder sur notre désaccord!
Eh bien sans cette discussion, je n'aurais peut-être jamais entendu parler d'elle. Je suis allé lire quelques citations sur Babelio... Eh bien, moi qui bronchais de voir citer Bobin (que j'ai toujours trouvé imbuvable), j'ai été servi.
Et pourquoi aller voir sur Babelio ce que l'on a sur son site préféré?
Rupi KAUR est ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/41235
Son apparent succès
Si vendre 9 millions d'exemplaires de ses deux premiers recueils de poésie en 40 langues dans le monde est un "apparent succès"... Qu'est-ce que donc un "succès" pour toi ?
confirme ce que j'ai toujours pensé des professeurs de français, avant même qu'ils deviennent mes collègues : deux sur trois ne comprennent rien à la littérature.
Oulà... Ici je ne commenterais pas... Je te laisse libre de tes propos...
Tu dévies, certes, mais c'est intéressant ! Il y a quelques années, il n'y pas si longtemps (à peine 20 ans), au lieu de Rupi Kaur, c'était "Les planches courbes" d'Yves Bonnefoy que les lycéens lisaient pour le bac... Est-ce que ce serait encore possible quand on voit l'avalanche d'insultes déversées sur Sylvie Germain par des lycéens traumatisés par la complexité du texte ? (il y a d'ailleurs eu quelques éclaboussures sur CL, aussi désolantes qu'hilarantes quand on les lit avec le recul !)
Eric, 20 ans c'est quasiment une génération!
Alors, évidemment que Melle Rupi KAUR ce n'est pas M. Yves BONNEFOY et pour avoir lu les deux je suis bien placé pour le savoir... Et elle ne le sera probablement jamais... Mais...
Mais, si on veut que les jeunes d'aujourd'hui lisent encore, - et a fortiori de la poésie -, et qu'ils prennent goût à la lecture, il faut leur donner à lire ce qu'ils aiment lire, et ce qu'ils ont envie de lire... Sinon, au lieu de lire, ils viendrons (comme il le font déjà d'ailleurs...) consulter les recensions sur CL au lieu de lire le livre recommandé... Et on les dégoûtera définitivement de la lecture !
Et qui sait, peut-être qu'après Rupi KAUR ils liront... Yves BONNEFOY...
Mon professeur de français en terminale dans les années 80, Mme. Deschrevel (R.I.P.), était une fan absolue d'Albert CAMUS, mais elle avait bien compris qu'à 17-18... CAMUS pour les jeunes que nous étions...
Elle disait toujours :
"Lisez, lisez, peu importe si vous lisez "Moi, Christiane F.", mais lisez, lisez!"...
"Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..." de Christiane F., Kai Hermann, Horst Rieck
est ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/6103
Je ne peux pas juger du spectacle mais je trouve ça infiniment pauvre, Rupi Kaur. Très standardisé, très facile, joli comme les petits dessins dont elle accompagne certains de ses textes. C'est un produit bien calibré. Je me disais d'ailleurs que peut-être plus encore qu'aux codes du rap, ce genre de poèmes emprunte à ceux de la pub. C'est consensuel, ça nous évoque des univers familiers.
Si parler d'émigration, d'immigration, d'amour filial, des grands groupes de cosmétiques, de viol, de rupture amoure, de racisme, du mal du pays etc etc... C'est consensuel... Alors oui c'est une poésie "consensuelle" !!
Ce n'est pas le sujet qui rend la chose ou non consensuel, c'est ce qu'on en dit. On peut dire à propos du viol, de la guerre, de l'amour, de que sais-je encore les plus grandes platitudes (qui ne sont pas d'ailleurs forcément des choses fausses, mais seulement à la portée de tout le monde). C'est ce que fait Rupi Kaur. Sa poésie, c'est, au mieux, le journal intime d'une ado lambda et plus souvent, une sorte d'alignement de mantras de développement personnel. Elle énumère les idées de tout le monde sur ces choses auxquelles on a tous été confrontés ou à propos desquelles on a au moins une opinion, mais elle ne déblaie rien, n'emprunte aucune voie nouvelle. Donc, si, je maintiens : des trottoirs de rue trop foulés par trop de monde. C'est sans doute pour ça que certains collègues pensent que ça plaie aux ados, qu'ils vont s'y retrouver. Et en effet, ils s'y retrouvent tellement qu'ils n'ont rien à en dire. Ces textes ne les emmènent pas plus loin que ce qu'ils pensent déjà du haut de leurs quinze, seize ans.
Ce qui m'amène à ce second point :
Mais, si on veut que les jeunes d'aujourd'hui lisent encore, - et a fortiori de la poésie -, et qu'ils prennent goût à la lecture, il faut leur donner à lire ce qu'ils aiment lire, et ce qu'ils ont envie de lire...
Non. Si on veut que les jeunes lisent, il faut arrêter de les prendre pour des cons et tenter de les convaincre que la littérature s'adresse à eux, qu'elle peut leur apporter quelque chose comme elle l'a fait pour nous, puisque après tout, on est devenu lecteur et parfois prof, passeurs de textes. Or, comme je le disais plus haut, la poésie de Rupi Kaur, elle ne leur apporte rien, elle ne leur donne qu'une idée fausse non seulement de la poésie, mais de la vie même à travers une succession d'images d'Epinal et de slogans de salles de muscu. A titre personnel, je pense que n'importe quel texte peut être rendu à peu près accessible pour n'importe quel élève. Pas tous les textes par tous les profs et pour tous les élèves : il y a des textes auxquels je suis complètement hermétique et que je serais bien incapable de transmettre à qui que ce soit. Mais j'aime à croire (et j'aurais l'audace de croire que ma pratique tend à le confirmer) que si un texte me parle, que si j'ai l'impression de le comprendre un tant soit peu, alors, je peux trouver un moyen de le transmettre.
Or, un des problèmes de la réforme Blanquer, c'est comme je l'expliquais, la moitié des livres que les élèves doivent lire durant l'année ne sont pas étudiés en classe. L'élève est laissé en complète autonomie face à lui. Et puisque la réforme a par ailleurs surchargé les programmes, augmenté les attentes sans donner d'heures en plus, on n'a effectivement pas le temps de revenir sur ces oeuvres avec les élèves. D'où la tentation, pour certains collègues, de proposer des oeuvres comme celles de Rupi Kaur, qu'ils estiment accessibles. Choix qui, selon moi, est mauvais et ne sert en aucun cas l'élève pour les raisons que j'expliquais.
Son apparent succès
Si vendre 9 millions d'exemplaires de ses deux premiers recueils de poésie en 40 langues dans le monde est un "apparent succès"... Qu'est-ce que donc un "succès" pour toi ?
Vendre 300 exemplaires d'un vrai bon livre.
confirme ce que j'ai toujours pensé des professeurs de français, avant même qu'ils deviennent mes collègues : deux sur trois ne comprennent rien à la littérature.Ça n'est pourtant pas bien méchant : il y en a un bon tiers de sauvés. Par ailleurs, l'enseignement du français ne se limite pas à celui de la littérature, et j'ai croisé bien des collègues dans ma déjà longue carrière qui ne comprenaient rien (ou pas grand-chose) à la littérature et qui n'étaient pas nécessairement de mauvais professeurs de français. J'avoue avoir eu ce sentiment dès les petites classes, au moins au collège voire avant, et ça a sans doute joué dans mon choix de devenir professeur.
Oulà... Ici je ne commenterais pas... Je te laisse libre de tes propos...
A titre personnel, je pense que n'importe quel texte peut être rendu à peu près accessible pour n'importe quel élève.Tellement d'accord ! A titre personnel, quand j'étais en milieu de carrière, je me suis amusé à proposer une étude de Salut, de Mallarmé, à une classe de 3e, un jour d'inspection (j'ai toujours essayé de profiter des inspections pour m'amuser un peu). Ça a été un grand moment, et ça reste un excellent souvenir. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le poème et ne verraient pas la gageure, je vous le recopie :
Salut
Rien, cette écume, vierge vers
À ne désigner que la coupe;
Telle loin se noie une troupe
De sirènes mainte à l’envers.
Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l’avant fastueux qui coupe
Le flot de foudres et d’hivers;
Une ivresse belle m’engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut
Solitude, récif, étoile
À n’importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.
Stéphane Mallarmé
(Jolie coïncidence tout à fait involontaire : ce poème est complètement dans le sujet de notre conversation.)
Laurent Albaraccin, Mathieu Brosseau, Olivier Cadiot, Frédéric Forte, Christophe Manon, Sandra Moussempès, Pascale Petit, Dominique Quelen, Eugène Savitzkaya, Pierre Vinclair et tellement d'autres...
Je ne sais pas qui sont leurs successeurs.
Je serais heureux que quelqu’un m’explique ce poème, je n’y ai rien compris.
J’ai sans doute eu des mauvais profs de français ou alors, j’étais un mauvais élève ?
J’ai sans doute eu des mauvais profs de français ou alors, j’étais un mauvais élève ?
Je serais heureux que quelqu’un m’explique ce poème, je n’y ai rien compris.En fait c'est à la fois un poème à clef et de circonstance. Il se présente sous les atours d'une évocation de la difficulté de la navigation - c'est un premier niveau de lecture ; mais il a été composé à l'occasion d'un banquet pour une revue de poésie : il s'agit donc d'un toast "Rien, cette écume, vierge vers, à ne désigner que la coupe" = "Je dédie ce poème à la coupe de champagne que je lève..." etc. La rudesse de la vie des marins devient une métaphore des difficultés que rencontre le poète.
J’ai sans doute eu des mauvais profs de français ou alors, j’étais un mauvais élève ?
mes collègues : deux sur trois ne comprennent rien à la littérature.
Feint, pourrais tu développer un peu et préciser ta pensée ?
Et que répondrais tu, toi, à la question: "Qu'est-ce que la littérature ?"
,
Eh bien j'ai toujours eu - j'ai toujours - l'impression que beaucoup de professeurs de français n'aiment pas vraiment la littérature. La préférence va aux œuvres les plus immédiatement accessibles. Il y a beaucoup de professeurs de français qui ne lisent pour ainsi dire pas, ou plus. Souvent il n'y a pas de remise en question du discours général : si c'est connu, c'est que c'est bien. Mais pas Proust, hein : ses phrases sont trop longues. (Bon, je caricature, mais il y a de ça.) Et même à l'université : de nombreux sujets de dissertes sur les romans restent à un niveau "psychologique", comme si les personnages étaient des personnes ; je trouvais ça affligeant... Il y aurait vraiment beaucoup à dire et les exemples ne me viennent plus à l'esprit.
Feint, pourrais tu développer un peu et préciser ta pensée ?
Et que répondrais tu, toi, à la question: "Qu'est-ce que la littérature ?"
Quant à répondre à la question "Qu'est-ce que la littérature ?", je n'y répondrais pas comme Sartre (mais je ne trouve pas que Sartre soit un bon écrivain), ou plutôt, j'aurais tendance à la définir comme il définit la poésie : c'est l'art dont la matière est le langage. Difficile d'en dire plus sans écrire tout un livre. Cela dit, je crois l'avoir fait en creux dans certains des miens (parmi ceux qui sont bons).
Feint, pourrais tu développer un peu et préciser ta pensée ?
Et que répondrais tu, toi, à la question: "Qu'est-ce que la littérature ?"
Eh bien j'ai toujours eu - j'ai toujours - l'impression que beaucoup de professeurs de français n'aiment pas vraiment la littérature. La préférence va aux œuvres les plus immédiatement accessibles. Il y a beaucoup de professeurs de français qui ne lisent pour ainsi dire pas, ou plus. Souvent il n'y a pas de remise en question du discours général : si c'est connu, c'est que c'est bien. Mais pas Proust, hein : ses phrases sont trop longues. (Bon, je caricature, mais il y a de ça.) Et même à l'université : de nombreux sujets de dissertes sur les romans restent à un niveau "psychologique", comme si les personnages étaient des personnes ; je trouvais ça affligeant... Il y aurait vraiment beaucoup à dire et les exemples ne me viennent plus à l'esprit.
Quant à répondre à la question "Qu'est-ce que la littérature ?", je n'y répondrais pas comme Sartre (mais je ne trouve pas que Sartre soit un bon écrivain), ou plutôt, j'aurais tendance à la définir comme il définit la poésie : c'est l'art dont la matière est le langage. Difficile d'en dire plus sans écrire tout un livre. Cela dit, je crois l'avoir fait en creux dans certains des miens (parmi ceux qui sont bons).
Merci pour tes réponses. Je te rejoins en ce qui concerne ta définition de la littérature au sens noble du terme. .Je suis aussi en total désaccord avec Sartre à ce sujet. Néanmoins ne méprisons pas toute une partie de la littérature (au sens large et majoritaire) qui répond à certains besoins: divertissement, réflexion, émotion, connaissance...dès lors qu'elle répond à une exigence de qualité d'écriture indispensable.
Oh mais il n'est pas question de mépris là-dedans ; d'ailleurs on n'est pas obligé d'aimer la littérature, même si c'est un peu dommage quand on enseigne le français. Par ailleurs tu ne me verras jamais dénigrer Musso ou Lévy ; c'est de la littérature industrielle comme il existe de la cuisine industrielle, on a le droit d'aimer comme on a le droit de préférer autre chose. Même la qualité de l'écriture ne me paraît pas indispensable. Ce avec quoi j'ai vraiment du mal, c'est quand on essaie de me faire passer pour de la grande littérature des textes dont la seule valeur est décorative, comme Bobin ou Tesson.
Merci pour tes réponses. Je te rejoins en ce qui concerne ta définition de la littérature au sens noble du terme. .Je suis aussi en total désaccord avec Sartre à ce sujet. Néanmoins ne méprisons pas toute une partie de la littérature (au sens large et majoritaire) qui répond à certains besoins: divertissement, réflexion, émotion, connaissance...dès lors qu'elle répond à une exigence de qualité d'écriture indispensable.
Tu dévies, certes, mais c'est intéressant ! Il y a quelques années, il n'y pas si longtemps (à peine 20 ans), au lieu de Rupi Kaur, c'était "Les planches courbes" d'Yves Bonnefoy que les lycéens lisaient pour le bac... Est-ce que ce serait encore possible quand on voit l'avalanche d'insultes déversées sur Sylvie Germain par des lycéens traumatisés par la complexité du texte ? (il y a d'ailleurs eu quelques éclaboussures sur CL, aussi désolantes qu'hilarantes quand on les lit avec le recul !)
Eric, 20 ans c'est quasiment une génération!
Alors, évidemment que Melle Rupi KAUR ce n'est pas M. Yves BONNEFOY et pour avoir lu les deux je suis bien placé pour le savoir... Et elle ne le sera probablement jamais... Mais...
Mais, si on veut que les jeunes d'aujourd'hui lisent encore, - et a fortiori de la poésie -, et qu'ils prennent goût à la lecture, il faut leur donner à lire ce qu'ils aiment lire, et ce qu'ils ont envie de lire... Sinon, au lieu de lire, ils viendrons (comme il le font déjà d'ailleurs...) consulter les recensions sur CL au lieu de lire le livre recommandé... Et on les dégoûtera définitivement de la lecture !
Et qui sait, peut-être qu'après Rupi KAUR ils liront... Yves BONNEFOY...
Mon professeur de français en terminale dans les années 80, Mme. Deschrevel (R.I.P.), était une fan absolue d'Albert CAMUS, mais elle avait bien compris qu'à 17-18... CAMUS pour les jeunes que nous étions...
Elle disait toujours :
"Lisez, lisez, peu importe si vous lisez "Moi, Christiane F.", mais lisez, lisez!"...
"Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..." de Christiane F., Kai Hermann, Horst Rieck
est ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/6103
Je suis allé feuilleter "lait et miel" de Rupi Kaur en librairie et je pense que je comprends le malentendu entre Septu et Stavro. Si j'ai bien compris Stavro, il s'irrite que ce livre soit indûment présenté aux jeunes comme un "classique" de la poésie contemporaine, au risque de les maintenir dans la facilité et les tirer vers le bas, alors que Septu se réjouit au contraire qu'il soit proposé et lu par des jeunes, parce que le recueil peut leur transmettre des émotions et servir d'amorce vers d'autres lectures plus ambitieuses. En fait, il me semble que tous les deux ont raison parce que leurs avis ne s'opposent pas vraiment. Je partage l'avis de Stavro car il ne s'agit pas de poésie mais simplement d'un assemblage de pensées, de ressentis et d'émotions, assorties de plus ou moins "jolies formules" et "jolis dessins" dans une forme indéniable de facilité. Mais je partage aussi l'avis de Septu car c'est un livre très accessible qui permet une identification avec l'auteure et peut donc contribuer à casser l'éventuelle réticence à la lecture de jeunes qui s'apercevront que quelqu'un peut les aider à poser des mots sur une pensée ou un ressenti.
En fait, on en revient au cas par cas et il me semble que, dans la diversité d'une classe, il en faut pour tous et que ce genre de livres peut être le moyen d'éviter que certains décrochent. Même s'il y a peu de chances qu'ils viennent à Yves Bonnefoy à partir de Rupi Kaur (quoi que... quand j'étais ado, je suis bien venu à Mallarmé à partir de Lovecraft via Poe !!!), ce peut être un moyen d'ouverture ...sous réserve que les professeurs ne se limitent pas à ça et ne l'utilisent pas comme une facilité "pour eux" ! Néanmoins, à la lecture de la liste des "oeuvres imposées" donnée par Stavro, j'ai l'impression que ce n'est pas le cas.
A titre personnel, je suis très reconnaissant à l'Education nationale de m'avoir forcé à lire (surtout pendant mes années en classe prépa scientifique) des oeuvres d'auteurs que je n'aurais sans doute pas lu spontanément et à mes prof de collège/lycée d'avoir pris la peine de discuter, pendant et même en dehors des cours, et me faire découvrir des auteurs. C'est mon prof de philo, en terminale, qui m'a fait découvrir Yves Bonnefoy et c'est une lecture qui m'a profondément marqué.
Même s'il y a peu de chances qu'ils viennent à Yves Bonnefoy à partir de Rupi Kaur (quoi que... quand j'étais ado, je suis bien venu à Mallarmé à partir de Lovecraft via Poe !!!), ce peut être un moyen d'ouverture
La distance de Lovecraft et Poe à Mallarmé me semble infiniment moins grande que celle qui sépare Rupi Kaur d'Yves Bonnefoy. Il me semble que si on veut vendre des livres, alors oui, Kaur, pourquoi pas, même si elle n'a pas vraiment besoin du soutien des profs de français pour ça et donc que même de ce point de vue là, on échoue. Par contre, s'il s'agit de mettre de la littérature entre les mains de jeunes gens, d'essayer de les convaincre qu'elle peut leur apporter quelque chose, alors je crois vraiment que Kaur ne sert à rien. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut nécessairement débuter par Mallarmé. Il y a tout un tas d'oeuvres accessibles qui peuvent mener à autre chose. Et il faut aussi accepter qu'on ne touchera pas tous les élèves. Mais il me semble tout d'abord que c'est s'illusionner de croire que Kaur permettrait d'en toucher plus (en tout cas à long terme : peut-être qu'un peu plus liront le livre en question mais je ne pense pas qu'ils seront plus nombreux à vouloir en lire d'autres après cela) et par ailleurs, que ce n'est pas grave. Tout le monde ne lira pas Bonnefoy. Tout comme tout le monde ne sera pas ingénieur ou joueur d'échecs, danseuse étoile ou footballeur professionnel et ce n'est pas grave. J'essaye de donner l'occasion à mes élèves de faire une rencontre avec la littérature. Je suis content quand j'y parviens et si je n'y parviens pas, j'espère que des collègues y parviendront, ou leurs parents, un libraire, ou quelqu'un qu'ils rencontreront un jour au hasard des circonstances (personnellement, c'est pour une fille que j'ai lu mon premier Dostoïevski ; je n'ai pas eu la fille, mais je suis devenu lecteur). Et si ça n'arrive jamais, ce n'est pas très grave
...sous réserve que les professeurs ne se limitent pas à ça et ne l'utilisent pas comme une facilité "pour eux" ! Néanmoins, à la lecture de la liste des "oeuvres imposées" donnée par Stavro, j'ai l'impression que ce n'est pas le cas.
Oui, elle est critiquable (pourquoi La Rage de l'expression et pas Le Parti pris des choses qui est quand même bien plus accessible pour de jeunes lecteurs, par exemple) et nous prive d'une bonne part de notre liberté pédagogique, mais ce n'est pas l'aspect le plus négatif de la réforme. Les lectures cursives comptant pour la moitié de l'oral du bac, par contre, c'est désastreux. Laisser les élèves seuls face à un recueil de poésie, c'est une gageure. C'est enlever tout l'intérêt du professeur dont le rôle est justement de révéler la portée d'un texte aux élèves. Et ça ne fait qu'accroître les inégalités entre ceux dont le milieu socio-culturel leur permet d'en tirer quelque chose et les autres. Laisser un élève en autonomie avec le Salut de Mallarmé que citait Feint, ça n'a pas grand intérêt, par exemple. Moins encore si on l'oblige à se farcir tous les autres poèmes du recueil dans la précipitation en vue d'un contrôle de lecture. Par contre, étudier ce poème en cours, donner quelques clés aux élèves et les laisser produire des hypothèses comme ils résoudraient une enquête policière pour, petit à petit, les amener à trouver au poème un sens qui leur avait échappé à la premier lecture, ça, c'est enrichissant.
Ce n'est pas le sujet qui rend la chose ou non consensuel, c'est ce qu'on en dit. On peut dire à propos du viol, de la guerre, de l'amour, de que sais-je encore les plus grandes platitudes (qui ne sont pas d'ailleurs forcément des choses fausses, mais seulement à la portée de tout le monde).
C'est ce que fait Rupi Kaur.
Non! Je ne suis absolument pas d'accord ici!
Désolé mais parler d'un viol qu'on a subi dans sa jeunesse n'est certainement pas une "platitude", quoi qu'en on dise... Et certainement pas pour la personne qui en a été victime !!
Sa poésie, c'est, au mieux, le journal intime d'une ado lambda et plus souvent, une sorte d'alignement de mantras de développement personnel. Elle énumère les idées de tout le monde sur ces choses auxquelles on a tous été confrontés ou à propos desquelles on a au moins une opinion, mais elle ne déblaie rien, n'emprunte aucune voie nouvelle. Donc, si, je maintiens : des trottoirs de rue trop foulés par trop de monde.
Et bien si tu trouves un jour un "journal intime d'une ado lambda", aussi bien écrit et aussi poétique qu'un livre de poésie de Rupi KAUR, je m'engage à le lire, et à en faire une recension sur CL!..
C'est sans doute pour ça que certains collègues pensent que ça plaie aux ados, qu'ils vont s'y retrouver. Et en effet, ils s'y retrouvent tellement qu'ils n'ont rien à en dire. Ces textes ne les emmènent pas plus loin que ce qu'ils pensent déjà du haut de leurs quinze, seize ans.
Toujours pas convaincu ici.
Cela m'étonnerait que quand "on se retrouve dans un texte" on on a rien à en dire...
Non. Si on veut que les jeunes lisent, il faut arrêter de les prendre pour des cons
Pardon, mais qui prend les jeunes pour des cons?
et tenter de les convaincre que la littérature s'adresse à eux, qu'elle peut leur apporter quelque chose comme elle l'a fait pour nous, puisque après tout, on est devenu lecteur et parfois prof, passeurs de textes.
Tout à fait d'accord ici!
Après je ne vois pas trop pourquoi cela ne serait pas le cas avec un livre de... Rupi KAUR?..
Or, comme je le disais plus haut, la poésie de Rupi Kaur, elle ne leur apporte rien, elle ne leur donne qu'une idée fausse non seulement de la poésie, mais de la vie même à travers une succession d'images d'Epinal et de slogans de salles de muscu.
Toujours pas d'accord.
Un livre de poésie de Rupi KAUR peut leur apporter autant que n'importe que autre livre de poésie, si ce n'est peut-être même plus puisque c'est une poésie qui leur correspond et qui correspond au monde actuel...
A titre personnel, je pense que n'importe quel texte peut être rendu à peu près accessible pour n'importe quel élève.
Tout à fait d'accord ici.
Or, un des problèmes de la réforme Blanquer, c'est comme je l'expliquais, la moitié des livres que les élèves doivent lire durant l'année ne sont pas étudiés en classe. L'élève est laissé en complète autonomie face à lui. Et puisque la réforme a par ailleurs surchargé les programmes, augmenté les attentes sans donner d'heures en plus, on n'a effectivement pas le temps de revenir sur ces oeuvres avec les élèves.
Désolé n'étant pas français, je ne suis pas compétent pour commenter ici. De plus cela me semble plus relever de la politique et n'a pas grand chose à avoir avec la littérature...
Vendre 300 exemplaires d'un vrai bon livre.
Encore faut-il s'entendre sur ce que l'on appelle : "Un vrai bon livre" !
Ça n'est pourtant pas bien méchant :
Je n'ai pas dit que c'était "méchant" !..
il y en a un bon tiers de sauvés. Par ailleurs, l'enseignement du français ne se limite pas à celui de la littérature, et j'ai croisé bien des collègues dans ma déjà longue carrière qui ne comprenaient rien (ou pas grand-chose) à la littérature et qui n'étaient pas nécessairement de mauvais professeurs de français. J'avoue avoir eu ce sentiment dès les petites classes, au moins au collège voire avant, et ça a sans doute joué dans mon choix de devenir professeur.
Encore une fois je te laisse libre de tes propos et je ne commenterais pas...
Je suis allé feuilleter "lait et miel" de Rupi Kaur en librairie et je pense que je comprends le malentendu entre Septu et Stavro. Si j'ai bien compris Stavro, il s'irrite que ce livre soit indûment présenté aux jeunes comme un "classique" de la poésie contemporaine, au risque de les maintenir dans la facilité et les tirer vers le bas, alors que Septu se réjouit au contraire qu'il soit proposé et lu par des jeunes, parce que le recueil peut leur transmettre des émotions et servir d'amorce vers d'autres lectures plus ambitieuses.
Oui.
Bien que je ne pense pas que Melle. Rupi KAUR soit présentée comme un "classique" de la poésie contemporaine, mais simplement comme un poète contemporain...
En fait, il me semble que tous les deux ont raison parce que leurs avis ne s'opposent pas vraiment. Je partage l'avis de Stavro car il ne s'agit pas de poésie mais simplement d'un assemblage de pensées, de ressentis et d'émotions, assorties de plus ou moins "jolies formules" et "jolis dessins" dans une forme indéniable de facilité. Mais je partage aussi l'avis de Septu car c'est un livre très accessible qui permet une identification avec l'auteure et peut donc contribuer à casser l'éventuelle réticence à la lecture de jeunes qui s'apercevront que quelqu'un peut les aider à poser des mots sur une pensée ou un ressenti.
En fait, on en revient au cas par cas et il me semble que, dans la diversité d'une classe, il en faut pour tous et que ce genre de livres peut être le moyen d'éviter que certains décrochent. Même s'il y a peu de chances qu'ils viennent à Yves Bonnefoy à partir de Rupi Kaur (quoi que... quand j'étais ado, je suis bien venu à Mallarmé à partir de Lovecraft via Poe !!!), ce peut être un moyen d'ouverture ...
Je suis tout à fait d'accord, d'autant plus que c'est la voix de la sagesse qui s'exprime ici...
Et bien sûr que lire Rupi KAUR ne mènera pas forcément les jeunes à lire Yves BONNEFOY...
Mais, mais si cela peut les sensibiliser à lire de la poésie, (ou un autre genre de littérature d'ailleurs...), alors oui, cela sert a quelque chose de lire Melle. KAUR !..
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